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Méditation pour le 1er mystère joyeux

Tirée des Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.


COMMENT L'ANGE ANNONÇA ET DÉCLARA À LA VIERGE

LE MYSTÈRE DE L'INCARNATION

I. - Gabriel expose à Marie le sujet de son ambassade

L'ange, ayant apaisé le saint trouble de la Vierge, lui exposa le sujet de son ambassade en ces termes : Voilà que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; le Seigneur lui donnera le trône de David, son père, et il régnera dans la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin.

Premièrement. Découvrons dans ces paroles les grandeurs et les excellentes perfections du Fils que l'ange promet à la Vierge.

1) Il sera Jésus, c'est-à-dire Sauveur du monde ; et il portera ce nom à meilleur droit qu'aucun de ceux qui l'ont porté avant lui, comme nous le verrons dans la suite.

2) Il sera grand, et grand sans limite : grand selon sa divinité et selon son humanité ; grand en sagesse et en sainteté ; grand dans sa vie, dans sa doctrine, dans ses exemples et dans ses paroles ; grand enfin en puissance ; car tout pouvoir lui sera donné dans le ciel et sur la terre, marne le pouvoir de rendre qui il lui plaira grand devant Dieu, par la communication de sa grandeur.

3) Il sera à la fois le Fils de la Vierge et le Fils du Très-Haut.

4) Son Père éternel lui donnera un empire absolu sur tous les élus. C'est le sens de ces paroles de l'ange : Le Seigneur Dieu le placera sur le trône de David et le fera régner sur la maison de Jacob, dont il tirera son origine selon la chair.

5) Son règne n'aura point de fin.

Deuxièmement. Ici, attachons-nous seulement à bien comprendre que les grandeurs incompréhensibles du Fils unique du Dieu vivant ont eu pour principe sa très profonde humilité. L'ange nous l'indique par cette première parole : Voici que vous concevrez dans votre sein. Il semble dire : Ce Sauveur, tout grand qu'il est, ce Roi éternel veut s'humilier jusqu'à se réduire aux proportions d'un petit enfant renfermé dans le sein de sa mère. Mais cette petitesse même sera le principe de sa grandeur. Car il accomplit par là ce que le prophète Isaïe a écrit de lui : Un petit enfant nous est né ; un fils nous a été donné. Il portera sur son épaule le signe de sa domination ; et il sera appelé l'Admirable, le Conseiller, Dieu, le Fort, le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Il étendra son empire dans tout l'univers, et la paix qu'il établira durera éternellement.

II. - Question posée à Gabriel par Marie.

La Vierge, ayant entendu les paroles de l'ange, lui dit : Comment se fera ceci ? car je ne connais point d'homme. Elle veut dire :

Je ne doute point de la toute-puissance du Seigneur, et je crois à votre promesse : cependant, je désire que vous me fassiez connaître comment je puis consentir à ce que vous me proposez, moi qui ai fait vœu de virginité.

Premièrement. Dans cette demande, la Vierge fait preuve d'une rare prudence et d'un extrême amour pour la virginité. Aussi l'Église l'invoque-t-elle sous le nom de Vierge très prudente. Elle n'est pas éblouie des magnifiques promesses de l'envoyé céleste ; elle veut savoir comment elles peuvent se concilier avec son vœu de chasteté, vertu qui lui est si chère, que si elle ne pouvait la conserver intacte, il lui serait très difficile de consentir à devenir mère, et même Mère de Dieu. Elle savait, à la vérité, par la prophétie d'Isaïe, que la Mère du Messie devait demeurer Vierge ; sa prudence néanmoins voulut peser toutes les paroles de l'ange, afin de s'assurer si elles s'accordaient avec la prédiction du prophète.
Le fruit que nous devons retirer de l'exemple de Marie est un cordial amour pour la chasteté, joint à une attention constante à fuir tout ce qui serait capable d'en ternir le lustré, même quand nous y verrions une apparence de piété et de religion. À l'imitation de la Vierge très prudente, examinons quel est l'esprit qui nous porte à nous engager dans des occasions où la pureté peut courir quelque danger ; craignant que ce ne soit l'esprit de Satan, qui se transforme, dit saint Paul, en ange de lumière, pour séduire des âmes très simples, ou trop confiantes en elles-mêmes, ou fort zélées pour le bien de leur prochain, et moins attentives à ce qui regarde leur perfection propre.

Deuxièmement. Considérerons dans ces paroles, les premières que l'Évangile rapporte de Marie, quatre circonstances qui constituent une admirable règle de conduite pour parler avec discrétion.

1) Elle s'énonce en fort peu de mots.

2) Elle ne dit rien que de nécessaire.

3) Le sujet qui la fait parler est de grande importance.

4) La manière dont elle parle est humble et modeste. On voit qu'elle avait présent à la mémoire cet avertissement du Sage : Jeune homme, parlez à peine, même dans votre cause. Si vous êtes interrogé deux fois, répondez en peu de paroles. Conduisez-vous en beaucoup de choses comme si vous les ignoriez ; écoutez en silence, et interrogez à propos.

La Vierge observa exactement ces avis dans les paroles qu'elle dit à l'ange. Car elle ne répondit qu'après qu'il lui eut parlé deux fois ; et, quoique la demande de Gabriel semblât lui fournir l'occasion de répondre avec un peu d'étendue, elle ne toucha que le point nécessaire, en peu de mots, déclarant son vœu de virginité, en termes humbles et chastes, mais assez clairs pour être compris : Je ne connais point d'homme.

III. - Réponse de Gabriel à l'objection de Marie.

À cette demande de la Vierge, l'ange répondit : Le Saint-Esprit viendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre : c'est pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu.

Premièrement. Ces paroles renferment trois admirables promesses que l'ange fait à la très sainte Vierge.

1) Il lui déclare que la conception de cet Enfant ne sera pas l'œuvre de l'homme, mais un effet de la vertu de l'Esprit-Saint. Lui-même viendra en elle et opérera ce miracle : et, parce que les œuvres de ce divin Esprit sont parfaites, il y viendra avec une nouvelle plénitude de grâces, pour la disposer à l'accomplissement de ce prodige inouï.

2) Il lui assure que la vertu du Très-Haut la couvrira de son ombre, et que, la préservant de toute apparence de souillure, il formera de son sang virginal, le corps de l'Homme-Dieu : comme l'oiseau, couvrant ses œufs de ses ailes, leur donne la vie par sa douce chaleur.

3) La troisième promesse est une conséquence des deux précédentes. Parce que, dit l'ange, l'Enfant qui naîtra de vous sera infiniment saint ; il s'appellera le Fils de Dieu. Et il le sera en effet, non par adoption, ainsi que les autres justes ; mais par l'union de son humanité avec la Personne du Verbe. Il sera saint, non par privilège, mais en vertu de sa conception toute sainte. Oh ! qui pourrait exprimer la joie que causèrent à la Vierge ces trois promesses de l'ambassadeur céleste.

Deuxièmement. Recueillons de tout ce discours une vérité morale. Pour que la Vierge conçût dans son sein le Fils de Dieu, il fallut que l'Esprit-Saint descendît en elle et que là vertu du Très-Haut la couvrit de son ombre, afin d'accomplir ce mystère. De même, pour que nous concevions dans notre âme l'esprit de salut et que nous devenions ainsi enfant de Dieu par adoption, il est nécessaire que l'Esprit-Saint nous en inspire le désir et que la vertu toute-puissante de Dieu, nous couvrant de son ombre, tempère en nous les ardeurs de la concupiscence et nous défende au milieu des tentations et des dangers.

IV. - L'ange confirme son ambassade.

Et voici, ajouta l'ange, qu'Élisabeth, votre parente, a conçu un fils en sa vieillesse ; et celle qui était appelée stérile est maintenant dans son sixième mois : car rien n'est impossible à Dieu.

Premièrement. Gabriel dit ces paroles à Marie pour trois raisons importantes.

1) Il veut lui apprendre une nouvelle qui doit remplir de consolation un cœur aussi charitable que le sien. Car, c'est le propre de la charité, dit l'apôtre saint Paul, de pleurer avec ceux qui pleurent, et de se réjouir avec ceux qui sont dans la joie. Comme donc Marie avait ressenti vivement la peine que sa cousine éprouvait d'être stérile, ainsi devait-elle prendre part à la joie que lui causait sa future maternité.

2) Il croit devoir confirmer par une preuve sensible la vérité de sa mission. En effet, il semble faire le raisonnement suivant : Puisqu'une femme stérile et avancée en âge a pu devenir mère, pourquoi ne croiriez-vous pas que vous pouvez concevoir en demeurant vierge ? Tout est possible à Dieu : ces deux miracles lui sont aussi faciles l'un que l'autre.
Ceci nous apprend que c'est la conduite ordinaire du bon esprit de punir les incrédules lorsque, par une affectation d'incrédulité, ils demandent qu'on leur fasse voir quelque prodige. C'est ainsi que Gabriel lui-même punit Zacharie, parce qu'il lui demanda un signe pour croire que, lui étant âgé et sa femme stérile, il leur naîtrait cependant un fils. Il n'en use pas de même à l'égard des âmes fidèles. Il leur donne de ces sortes de signes sans qu'elles les demandent, comme il en donne un bien frappant à la Vierge notre Dame, pour la réjouir et la consoler, et en même temps pour la confirmer dans sa foi. Concluons de là combien il est important de croire avec fermeté tout ce que la foi nous enseigne ; car Dieu a coutume de donner intérieurement aux âmes soumises des preuves claires de la vérité de nos mystères, tandis qu'il les refuse aux incrédules, selon cette parole du prophète Isaïe : Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas.

3) Enfin, l'ange veut découvrir à Marie la raison fondamentale sur laquelle est appuyé tout ce qu'il lui a dit ; et il l'exprime par cette parole pleine de grandeur : Aucune chose n'est impossible à Dieu. C'est-à-dire : Il peut faire tout ce qu'il veut, et accomplir tout ce qu'il promet. Il peut, en particulier, opérer la double merveille dont je vous entretiens : donner la fécondité à celle qui est stérile, et à celle qui a résolu de demeurer vierge pour toujours.

Deuxièmement. De ce principe, tirons deux instructions spirituelles, bien consolantes.

Voici la première. Quoiqu'une âme ait été longtemps stérile en toutes sortes de bonnes œuvres, Dieu, par sa toute-puissance, peut changer sa stérilité, si invétérée qu'elle soit, en une fécondité très heureuse. Comme Élisabeth, naturellement stérile, conçut un fils qui devait recevoir le nom de Jean, c'est-à-dire, grâce, ainsi cette âme, enfin devenue féconde, pourra porter des fruits de grâce et de bénédiction très agréables au Seigneur.
L'espérance d'un si grand bien doit nous consoler et nous encourager à faire tous nos efforts pour l'obtenir, nous souvenant de ces paroles d' Isaïe et de saint Paul : Réjouissez-vous, stérile qui n'enfantez pas; chantez des cantiques de louanges, poussez des cris de joie, vous qui n'avez point de fils ; parce que l'épouse qui était stérile, comme Sara, aura plus d'enfants que celle qui était féconde, comme Agar, a dit le Seigneur.

Voici la seconde. La Vierge notre Dame, par la vertu de l'Esprit-Saint, a pu devenir Mère d'un Fils préférable, lui seul, à cent mille autres fils : de même, ceux qui s'obligent par vœu à garder la virginité, auront un grand nombre d'enfants spirituels, qui vaudront incomparablement mieux que des enfants selon la nature. C'est ainsi que Dieu accomplira la promesse qu'il leur a faite par son prophète : Que ceux qui ont renoncé au mariage pour l'amour de moi ne disent pas : Je ne suis qu'un bois aride ; car voici ce que dit le Seigneur : Je leur donnerai dans ma maison et dans l'enceinte de mes murs une place d'honneur, et un nom qui sera plus glorieux pour eux que des fils et des filles, nom éternel dont la mémoire ne périra jamais.

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