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Méditation pour le 5e mystère glorieux
Tirée des Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.
Nota : Le fruit de ce mystère étant une plus grande dévotion envers la Très Sainte Vierge, voici une méditation sur l’importance de cette dévotion.
DE LA DÉVOTION À LA TRÈS SAINTE VIERGE,
DES BIENS QUE NOUS EN RETIRONS
ET QUELS EN SONT LES PRINCIPAUX ACTES.
I
. — Motifs et avantages de la dévotion envers Notre-Dame
Considérons, en premier lieu, les divers motifs que nous avons d'aimer et de servir la Mère de Dieu de toutes nos forces, lui donnant dans notre cœur la première place après son Fils. En examinant chaque motif, voyons ce que nous pouvons et devons faire pour son service.
1) La Vierge Marie est plus aimée des trois Personnes divines que tous les anges et tous les bienheureux, parce qu'elle est plus sainte, elle seule, que tout ce qu'il y a d'anges et de bienheureux dans le ciel. Il est donc juste que nous l'aimions plus que toutes les pures créatures, conformant notre amour à l'amour du Créateur, et en même temps à la raison, qui nous commande d'aimer davantage celle en qui nous reconnaissons plus de mérite. Tirons de là des sentiments de joie spirituelle et de complaisance pour tous les biens dont il a plu au souverain distributeur des dons d'enrichir la Reine des vertus. Réjouissons-nous de la voir ainsi aimée de Dieu, de ce qu'elle a trouvé grâce devant lui, de son étonnante sainteté, de toutes les perfections accumulées en elle par la libéralité infinie du Très-Haut. Remercions le Seigneur du fond de notre âme, et supplions la Vierge elle-même de nous faire part de quelques-uns de ces biens, afin que, nous aussi, nous soyons aimés de mon Dieu, et que nous trouvions grâce en sa présence.
2) La Vierge notre Dame est Mère de Dieu et Mère du Sauveur. Son divin Fils, à cause de l'amour qu'il a pour elle, veut que tous l'aiment et la servent, comme sa grandeur et sa dignité l'exigent. Il regarde comme rendus à lui en personne tous les hommages que l'on rend à sa Mère. Il a dit dans l'Évangile, en montrant les pauvres et les petits : Tout ce que vous avez fait au moindre de mes frères que voici, vous me l'avez fait à moi-même.
À plus forte raison dira-t-il : L'honneur que vous avez rendu à ma Mère, c'est à moi que vous l'avez rendu. Si donc nous aimons sérieusement notre Rédempteur, à qui nous sommes redevables de tant de bienfaits, ce n'est pas assez que nous aimions son Père éternel, avec lequel il est un seul et même. Dieu ; il faut encore que nous aimions sa Mère, avec laquelle il est, par un singulier amour, un même esprit et un même cœur.
3) Marie est notre Mère, et elle a pour nous une affection maternelle. Cette pensée ne doit-elle pas suffire pour nous obliger à l'aimer, et à lui rendre amour pour amour ? Il est naturel aux enfants d'aimer leurs mères, surtout les mères dignes de ce nom, et qui aiment en mères. De même donc que le disciple bien-aimé de Jésus-Christ, ayant entendu de la bouche de son Maître mourant cette douce parole : Voilà votre Mère, regarda aussitôt la Mère de Jésus comme sa Mère, et l'aima toujours depuis d'un amour filial, ainsi devons-nous prendre Marie pour Mère, et l'aimer et la servir avec un soin tout particulier, nous 'estimant très heureux, et nous félicitant d'être du nombre de ses enfants.
4) La très sainte Vierge ne cesse de nous rendre dans le ciel des bons offices qui nous font une obligation de l'aimer, et de reconnaître qu'elle est notre plus insigne bienfaitrice après Dieu. En premier lieu, elle prie continuellement pour nous avec plus de ferveur et d'efficacité que Jérémie ne priait pour son peuple, parce qu'elle est notre avocate et notre médiatrice auprès de son Fils. En second lieu, elle est pleine de sollicitude pour notre bien. Non seulement elle écoute les prières de ses clients, mais elle les prévient ; et d'elle-même elle représente à Dieu leur indigence et leurs besoins. Nous en avons une preuve dans ce qu'elle fit aux noces de Cana en faveur des nouveaux époux et des conviés. Par un pur mouvement de compassion, elle avertit Jésus que le vin manquait. De sorte que, c'est la réflexion de saint Augustin, de même qu'elle a plus de mérite, ainsi nous porte-t-elle un intérêt plus vif que tous les autres saints. En troisième lieu, sa puissance n'a pas de bornes, et elle nous obtient avec une facilité et une promptitude merveilleuses le remède à tous nos maux. Aussi saint Anselme ne craint pas d'avancer la proposition suivante. Il arrive quelquefois, dit-il, que nous sommes plus tôt exaucés en invoquant le nom de Marie qu'en invoquant le nom de Jésus. Ce n'est pas que le Fils ne soit sans comparaison plus puissant et plus miséricordieux que la Mère ; mais parce qu'il est notre juge, il peut se faire que sa justice suspende le cours de sa miséricorde, et qu'il diffère de nous exaucer à cause de nos crimes. La Vierge, au contraire, n'est pas notre juge, elle est notre avocate. À ce titre, elle n'allègue que la miséricorde ; elle apaise le juste courroux du souverain Juge par ses prières, et elle réussit aussitôt à nous le rendre favorable.
D'où il est permis de conclure, avec le même saint, que la dévotion envers la Mère de Dieu est une marque de prédestination. Elle procure en effet avec une touchante sollicitude, à ceux qui l'implorent, tout ce qui peut contribuer à leur salut ; et après les avoir assistés à l'heure de la mort, elle les introduit dans le séjour de gloire. Ajoutons qu'elle nous aide si efficacement dans tous les dangers et dans toutes les nécessités diverses où nous pouvons nous trouver, que saint Bernard ne fait pas difficulté de lui adresser ces paroles : Ô glorieuse Vierge, si quelqu'un, se souvient que vous l'ayez oublié dans le besoin, qu'il cesse de louer votre miséricorde. Comme s'il disait : Tous les hommes doivent exalter votre miséricorde, car jamais vous n'avez refusé votre secours à celui qui vous l'a demandé du fond de son âme.
Tous ces motifs, bien considérés, sont très propres à exciter dans un cœur chrétien une tendre dévotion envers l'auguste Vierge notre Dame. Supplions son Fils notre Seigneur de nous communiquer son amour pour sa Mère, et prions-la elle-même de nous l'obtenir de son bien-aimé Fils.
Ô Mère très aimante, qui avez établi votre demeure, non dans la maison du farouche Ésaü, mais dans celle du doux Jacob ; non parmi les réprouvés, mais parmi les élus, en qui, selon le langage de l'Écriture, vous Jetez de profondes racines, je ne désire rien tant que de vous aimer et de vous servir. Je me propose, en qualité de fils, d'imiter vos vertus ; recevez-moi dans cette maison de Jacob, où vous régnez sur vos enfants dévoués. Jetez dans mon cœur de si fortes racines, que désormais, je puisse accomplir le plus ardent de mes vœux, celui de m'employer avec un zèle constant et infatigable à votre service.
II. — Les principaux actes de la dévotion à Marie.
Considérons, en second lieu, la dévotion que le Saint-Esprit a inspirée à l'Église universelle envers la Vierge notre Souveraine. Arrêtons-nous principalement à quelques pratiques plus remarquables, par lesquelles l'Épouse de Jésus-Christ témoigne son amour et son dévouement pour sa Reine. Prenons en même temps la résolution de nous rendre propres ces pratiques dans la mesure de nos forces, afin de répondre au désir de l'Esprit de Dieu qui éclaire et dirige la sainte Église notre Mère.
1) L'Église montre sa dévotion envers Marie en lui rendant un culte au-dessous de celui qui n'est dû qu'à Dieu, mais au-dessus de celui qui se rend à tous les autres saints. Ce culte spécial est appelé d'hyperdulie. En raison de cette distinction, la même sainte Église décerne à la Mère de Jésus des noms qui ne conviennent proprement qu'au Créateur de l'univers, mais qui désignent des qualités éminentes que Notre-Dame possède au suprême degré. Ainsi la sainte liturgie la nomme Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur, notre espérance, la porte du ciel, elle lui demande des grâces que Dieu seul peut nous accorder, comme de briser les chaînes des pécheurs captifs, d'éclairer les aveugles, de nous délivrer de tous les maux, et de nous faire voir après cet exil Jésus, le fruit béni de son sein virginal.
Or toutes ces faveurs, elle nous les obtient de Notre-Seigneur par l'efficacité de ses prières. Nous devons donc honorer et invoquer avec confiance cette auguste Reine, employant les paroles pleines d'une affection si tendre dont l'Église se sert dans les hymnes et dans les antiennes qu'elle lui adresse.
2) L'Église témoigne sa dévotion envers la très sainte Vierge en élevant des temples riches et magnifiques en son honneur, en exposant ses images à la vénération des fidèles, et en les exhortant à les visiter : pieuses pratiques que le Seigneur autorise par les nombreux miracles qu'il opère en considération de sa sainte et immaculée Mère. C'est dans la même vue que les Vicaires de Jésus-Christ approuvent des Congrégations et des Ordres religieux consacrés au culte de Marie. La Vierge, de son côté, les prend sous sa protection, et répand des faveurs extraordinaires, tant en général qu'en particulier, sans exception de personnes, sur tous ceux qui se dévouent à son service. Nous l’éprouvons nous-même si nous nous offrons sérieusement à l'honorer et à la servir selon l'étendue de notre pouvoir.
3) Une autre preuve de la dévotion de l'Église universelle envers la Mère de Dieu, c'est qu'elle a recours à elle en tout temps. À cet effet, elle a institué plusieurs fêtes pendant l'année. Elle en célèbre quelqu'une presque chaque mois ; et dans quelques mois, deux ou même trois. Chaque semaine, elle lui consacre le samedi, avec un office et une messe propre pour le temps. Elle a de plus pour tous les jours un petit office, auquel sont attachées des indulgences. Ses ministres récitent au commencement de toutes les heures canoniales un Ave Maria, et à la fin l'antienne ordinaire de la Vierge. Elle a sanctionné l'usage de sonner la cloche tous les soirs, avant la nuit, pour avertir les fidèles de réciter l’Angelus ; et même, en plusieurs endroits, cela se fait trois fois le jour : le matin, à midi, et au soir. Enfin, inspirée de Dieu, elle approuve et recommande à tous ses enfants la récitation du saint Rosaire, sorte de psautier de cent cinquante Ave Maria, qui répondent aux cent cinquante psaumes de David, et de quinze Pater noster, qui figurent les quinze psaumes nommés graduels, parce qu'on les chantait en montant les quinze degrés du temple de Jérusalem. (…) Mais comme tous ne peuvent pas réciter le Rosaire entier, l'Église leur propose le chapelet (…) ; et elle accorde des indulgences nombreuses à ceux qui récitent soit le Rosaire, soit le chapelet, afin de les exciter davantage à pratiquer une dévotion si sainte et si salutaire. Le Sauveur, de sa part, voulant montrer qu'il l'approuve, l'a confirmée par d'éclatants miracles qui témoignent combien il aime sa Mère, et combien il souhaite que nous l'aimions.
Ô très doux Jésus, puisque vous désirez si ardemment que nous honorions votre très sainte Mère, inspirez-moi d'une manière efficace une dévotion filiale envers celle qui est aussi la mienne, et aidez-moi à m'acquitter avec ferveur de toutes les œuvres que l'Église votre Épouse autorise et exerce à cette fin.