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On me confia donc la garde de notre troupeau. La nouvelle que j’allais commencer ma vie de bergère se répandit rapidement parmi les petits bergers et presque tous vinrent s’offrir pour m’accompagner. Je dis oui à tous et je m’entendis avec tous pour aller avec eux à travers la campagne. Le jour suivant, tous les alentours étaient couverts de bergers et de troupeaux. Il y en avait une nuée, mais je ne me sentais pas à l’aise au milieu de tant de criailleries. Je choisis donc, parmi tous, trois petites filles comme compagnes et, sans rien dire aux autres, je m’entendis avec elles pour aller à des pâturages situés d’un autre côté. Celles que j’avais choisies étaient Terasa Matias, sa sœur Maria-Rosa et Maria Justino. Le jour suivant, nous nous rendîmes, avec nos troupeaux, à la colline appelée le "Cabeço". Nous allâmes vers le versant de la colline tourné vers le nord. C’est sur le versant sud que se trouvent les "Valinhos", que Votre Excellence doit connaître de nom. Et c’est, sur le versant qui regarde le levant que se trouve le rocher dont j’ai parlé à votre Excellence dans mon écrit sur Jacinthe (3). À nos pieds, se trouvait un terrain étendu planté d’arbres, qui descend jusqu’à la plaine, avec des oliviers, des chênes, des pins et des chênes-verts. Vers l’heure de midi, nous prîmes notre repas ; après quoi, j’invitai mes compagnes à dire avec moi le chapelet, ce qu’elles acceptèrent de bon cœur. À peine avions-nous commencé que, devant nos yeux, nous vîmes, comme suspendu dans les airs au-dessus des arbres, une figure semblable à une statue de neige que les rayons du soleil paraissaient rendre transparente : « Qu’est-ce que c’est ? » demandèrent mes compagnes un peu effrayées.
« Je ne sais pas ! »
Nous continuâmes à prier en gardant les yeux fixés sur cette figure qui disparut dès que nous eûmes terminé. Selon mon habitude, je pris le parti de ne rien dire. Mais dès qu’elles revinrent chez elles, mes compagnes racontèrent à leurs familles ce qui s’était passé. La nouvelle se répandit. Un jour, au moment où je revenais à la maison, ma mère me demanda : « Écoute un peu ! On dit que tu as vu là-bas je ne sais quoi. Qu’est-ce que tu as vu ?
– Je ne sais pas ! » Et comme je ne savais pas m’expliquer, j’ajoutai : « Cela semblait une personne enveloppée d’un drap. » Puis, voulant dire par là que je n’avais pas pu distinguer ses traits, je déclarai : « On ne voyait ni ses yeux, ni ses mains. » Ma mère conclut en disant avec un geste de dédain : « Sottises d’enfants ! »
Quelques temps après, nous revînmes avec nos troupeaux au même endroit et la même chose se répéta de la même manière. Mes compagnes racontèrent de nouveau ce qui s’était passé. Après un certain temps, le même fait se reproduisit. C’était la troisième fois que ma mère entendait parler, par d’autres personnes, d’un pareil évènement, sans que j’en eusse parlé moi-même à la maison. Elle m’appela donc un peu mécontente, et me demanda : « Voyons ! Qu’est-ce que vous dites que vous voyez par-là ?
– Je ne sais pas, Maman, je ne sais pas ce que c’est ! » Plusieurs personnes se mirent à se moquer de nous. Et comme depuis ma première communion je paraissais quelquefois absorbée, me rappelant ce qui s’était passé alors, mes sœurs, avec un peu de dédain, me demandaient : « Tu vois encore quelqu’un enveloppé d’un drap ? »
Ces attitudes et ces paroles de dédain m’étaient très sensibles, car, jusque-là, je n’avais été qu’à des caresses. Mais ce n’était rien encore. Je ne savais pas ce que le bon Dieu me réservait pour l’avenir.

Dans le quatrième mémoire qu’elle rédigea entre le 7 octobre et le 8 décembre 1941, toujours à la demande de Monseigneur da Silva, Lucie apporta sur ces apparitions les précisions suivantes :

Autant que je puisse m’en rendre compte à peu près, il me semble que ce fut en 1915 qu’eût lieu une première apparition de ce que je crois avoir été l’Ange. Il n’osa pas, cependant, se manifester tout à fait à ce moment.
Par l’aspect du temps, lors de cette apparition, je pense que ce fut entre avril et octobre 1915.
Sur la pente du Cabeço qui regarde le sud, au moment de réciter le chapelet avec trois de mes compagnes : Teresa Matias, Maria-Rosa Matias sa sœur, et Maria Justino du hameau de Cas Velha, je vis, au-dessus des arbres de la vallée qui s’étendait à nos pieds, planer comme une nuée plus blanche que la neige, quelque chose de transparent, ayant forme humaine. Mes compagnes me demandèrent ce que c’était. Je répondis que je ne savais pas. Le même phénomène se reproduisit encore deux fois, à des jours différents.
Cette apparition me laissa dans l’esprit une certaine impression que je ne sais expliquer. Peu à peu, cette impression s’effaça et je crois qu’avec le temps je l’aurais complètement oubliée, sans les évènements qui se produisirent par la suite.

Ces faits sont certains, car dès 1917, le chanoine Formigâo recueillit le témoignage de Maria-Rosa, la mère de Lucie. Et dans les années 60, les trois compagnes de sœur Lucie furent interrogées par le père Kondor, puis plus tard, par le père Alonso. À chaque fois, elles confirmèrent le récit des mémoires de Lucie dans tous ses détails.
Et c’est le même ange qui apparut en 1915 et en 1916. En effet, dans le deuxième mémoire, en relatant la première apparition de 1916, Lucie écrit : « Nous vîmes alors, au-dessus des oliviers, s’avancer vers nous la même figure dont j’ai déjà parlé. »
L’Ange se présenta comme l’Ange de la Paix à la première apparition de 1916, puis comme l’Ange gardien du Portugal à la deuxième (voir les dialogues détaillés dans la fiche Le message de Fatima).

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(1) Lucie est née le 22 mars 1907. Elle avait donc tout juste huit ans au printemps.
(2) Caroline est une sœur de Lucie, la cinquième des six enfants d’Antonio et Maria-Rosa dos Santos, Lucie étant la dernière.
(3) Il s’agit du premier mémoire rédigé en 1935 à la demande de Mgr da Silva. En effet, 12 septembre 1935, le cercueil de Jacinthe fût transporté de Vila Nova de Ourem à Fatima. À cette occasion, le cercueil fut ouvert et le visage de la petite voyante apparu intact. L’évêque de Fatima ordonna alors à Lucie d’écrire tout ce qu’elle savait sur sa petite cousine.

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