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Il nous apparut pour la troisième fois, tenant dans ses mains un calice et, au-dessus de lui, une Hostie d’où tombait dans le calice quelques gouttes de sang. Laissant le calice et l’Hostie suspendus dans l’air, il se prosterna jusqu’à terre et répéta trois fois cette prière :
– Très Sainte Trinité, Père, Fils, Saint-Esprit, …
Puis, se relevant, il prit de nouveau dans ses mains le calice et l’Hostie, me donna l’Hostie, et donna le contenu du calice à Jacinthe et à François, en disant en même temps :
– Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ, horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu.
Il se prosterna de nouveau jusqu’à terre et répéta avec nous encore trois fois la même prière Très Sainte Trinité, etc. Puis il disparut.
On ne peut qu’être émerveillé d’une telle richesse en si peu de mots. Poursuivons la réflexion commencée dans la lettre n° 129. Quatre points sont à noter.
L’attitude de l’Ange
Nous avons vu qu’avant d’enseigner aux petits voyants la très belle prière Très Sainte Trinité, l’Ange s’est prosterné jusqu’à terre. Cette prosternation est soulignée par le fait que, dans son récit, Lucie dit qu’avant de leur donner la communion, « il se releva ». Puis après leur avoir donné la communion, « il se prosterna de nouveau jusqu’à terre ». Ainsi, au cours de ses trois apparitions de 1916, l’Ange se prosterna à trois occasions :
- une première fois au printemps, au cours de sa première apparition, lorsqu’il apprit aux petits voyants une première prière : « Mon Dieu, je crois, …» ;
- une deuxième fois au cours de sa troisième apparition, juste avant de leur apprendre une deuxième prière « Très Sainte Trinité …» ;
- enfin une troisième fois juste après leur avoir donné la communion et avant de dire une nouvelle fois la prière « Très Sainte Trinité …»
Ainsi, à chaque fois que l’Ange aura prié avec les petits voyants, il l’aura fait en étant prosterné le front jusqu’à terre. Et à chaque fois, il aura répété trois fois la prière enseignée, répétition qui est un hommage à la Sainte Trinité.
La communion
Il y a, dans la formule employée par l’Ange pour donner la communion, une remarquable précision théologique : Lucie ne recevra que l'Hostie, Jacinthe et François que le Sang du Calice ; et pourtant, à chacun des trois, l'Ange dit : « Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ », pour montrer que celui qui ne communie que sous l'une ou l'autre espèce, reçoit Jésus-Christ tout entier, Son corps et Son sang, Son âme et Sa divinité. C’est ce qu’a toujours enseigné l’Église, notamment dans l’hymne Lauda Sion composé par saint Thomas écrit : « Caro cibus, sanguis potus : manet tamen Christus totus sub utraque specie. » (Sa chair se mange, son sang se boit ; et pourtant le Christ demeure tout entier sous chaque espèce). D’une certaine façon, ce point a déjà été formulé dans la deuxième prière de l’Ange, par l’emploi du singulier dans la partie offrande : « Ofereço-Vos o Preciosíssimo Corpo, Sangue, Alma e Divindade de Jesus Cristo, presente em todos os sacràrios da terra » – « Je Vous offre LE (au singulier) très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ PRÉSENT (au singulier) dans tous les tabernacles du monde. » – formulation qui figure aussi bien dans le deuxième que dans le quatrième mémoire. Cette particularité grammaticale rappelle le « Je suis celui qui suis » que Dieu révéla à Moïse sur le mont Sinaï.
Certains se demanderont peut-être d’où vient cette Hostie et ce Calice ? Car l’Ange, n’ayant pas reçu l’onction sacerdotale, ne peut pas consacrer. Rien dans les paroles de l’Ange ne permet d’élucider ce mystère. Notons simplement que ce n’est pas le premier cas. Saint Stanislas Kotska, saint Raymond Nonnat, saint Gérard Majella et bien d’autres encore eurent le même privilège.
Notons aussi que cette communion donnée par l’Ange aux petits voyants est une confirmation céleste de l’autorisation donnée 7 ans plus tôt par saint Pie X sur la communion des petits enfants par le décret Quam singulari (8 août 1910) : « L’âge de discrétion, aussi bien pour la communion que pour la confession, est celui où l’enfant commence à raisonner, c’est-à-dire vers sept ans, soit au-dessus soit même au-dessous. » Jacinthe, la plus jeune, avait précisément sept ans.
Les outrages envers Notre-Seigneur
En donnant le Corps et le Sang de Jésus, l’Ange précise : « … Jésus-Christ, horriblement outragé par les hommes ingrats. » De nos jours, il n’est pas rare d’entendre que, Dieu étant parfait, Il ne peut pas être touché par nos péchés et qu’il n’y a donc pas à réparer vis-à-vis de Lui. L’Ange dit exactement le contraire. Jésus, et donc Dieu Lui-même, est non seulement offensé, mais même outragé par nos péchés qui sont de véritables crimes à ses yeux. Certes, c’est un mystère que, dans la béatitude céleste, Dieu puisse être outragé. Mais c’est un enseignement constant de l’Église et de nombreux écrits du magistère ou des saints ne laissent aucun doute sur ce point. Les plaintes de Notre-Seigneur à sainte Marguerite-Marie sont bien connues.
Saint Alphonse de Liguori, dans son livre La bonne mort, au 3e point du chapitre 15 qui a pour énoncé : Le péché mortel afflige le cœur de Dieu, fait ce commentaire : « Le pécheur insulte Dieu, il le déshonore ; de plus, il lui cause une immense affliction. » Et pour étayer son affirmation, il cite plusieurs passages de la Bible, par exemple : « Le pécheur remplit Dieu d’amertume » (Psaume X, 4) ; « Ils ont provoqué sa colère, ils ont affligé son Saint-Esprit » (Isaïe LXIII, 10).
Les trois façons de réparer
Qui dit offense, dit réparation envers celui qu’on a offensé. C’est pourquoi l’Ange ajoute : « Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu. » Pour la troisième fois, l’Ange parle de réparation. Il indique ainsi un nouveau moyen de réparer : la communion[1], et plus précisément la communion de réparation, laquelle sera l'une des pratiques demandées par la Sainte Vierge. La plus parfaite expiation et réparation que nous puissions faire pour les indifférences, négligences et outrages reçus par Notre-Seigneur est de recevoir la sainte communion en esprit de réparation, avec le désir de « consoler notre Dieu ». Cette offrande du Corps, du Sang, de l’Âme et da la Divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ que l’Ange demande aux petits voyants de faire avant et après avoir communié, est la seule qui puisse être vraiment agréable à Dieu : c’est l’offrande parfaite par excellence. C’est pourquoi il ne peut y avoir meilleur moyen de réparer.
Ce troisième moyen de réparer a une qualité supplémentaire, non mentionnée pour les deux précédents : il console Dieu. Là encore, on entend parfois dire que Dieu n’a pas besoin d’être consolé puisque sa perfection ne peut pas être atteinte par nos fautes. L’Ange une fois de plus affirme le contraire et enseigne très clairement que nos péchés offensent Dieu et que nous pouvons réparer ces offenses (notamment en communiant). Et ainsi non seulement nous réparons, mais aussi nous consolons Dieu. François fut particulièrement marqué par cette phrase. Il faisait de nombreux sacrifices pour cela et est souvent appelé : le petit consolateur de Jésus. Il nous faut donc communier en esprit de réparation, avec également le désir de consoler Notre-Seigneur.
Autre point remarquable : alors même que le récit de cette apparition n’était pas encore connu, puisqu’elle ne le sera qu’à partir de 1937 avec la publication du deuxième mémoire, Pie XI dans son encyclique Miserentissimus Redemptor du 8 mai 1928 sur le « devoir qui nous incombe de faire amende honorable au Cœur sacré de Jésus » enseigne : « La créature (…) doit offrir à l'égard de l'amour incréé une compensation pour l'indifférence, l'oubli, les offenses, les outrages, les injures qu'il subit : c'est ce qu'on appelle couramment le devoir de réparation. (…) Le devoir de réparation et d'expiation s'impose en vertu d'un motif impérieux de justice et d'amour. (…) Ce devoir d'expiation incombe au genre humain tout entier. » Les mots employés par Pie XI sont très proches de ceux de l’Ange.
Conclusion sur le message de l’Ange
Ainsi se terminent les apparitions de l’Ange. Leur récit est vraiment remarquable : il ne donne prise à aucun soupçon de vulgarité ; on n'y relève aucun terme incongru, puéril ou banal, ni tournure emphatique ou artificielle. Les paroles de l'Ange expriment avec vigueur et simplicité les vérités les plus profondes de notre sainte Foi, tout en étant une remarquable préparation au message que délivrera la Sainte Vierge l’année suivante. Aussi faut-il les méditer attentivement. La méditation fréquente de ces apparitions nous introduira dans une véritable proximité avec Dieu et, à la suite des enfants de Fatima, nous préparera à nous approcher de Notre-Dame – ou mieux – à Lui permettre de nous approcher.
2e partie : Le secret de Fatima
La consécration du 25 mars dernier a été l’occasion, pour certains experts, de reparler du secret de Fatima. Hélas, tous les articles que nous avons pu lire en ont fait une présentation erronée. Par exemple, dans une série de quatre articles publiés le 22 mars sur le site Aleteia, le secret est présenté ainsi : 1er secret, la vision de l’enfer ; 2e secret, la consécration de la Russie ; 3e secret, une vision apocalyptique.[2] Ce n’est pas entièrement faux, mais ce très réducteur et surtout ce n’est pas ce qu’a dit sœur Lucie.
D’autres spécialistes disent que le 2e point concerne la guerre. Rares sont ceux qui parlent de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et quand ils le font, c’est souvent en ne mentionnant que la consécration de la Russie, comme le fait Aleteia. Il est donc nécessaire de revoir une fois de plus ce qu’a dit sœur Lucie. On ne pourra jamais bien comprendre le secret si l’on ne part pas D’ABORD de ce qu’en a dit sœur Lucie.
En premier lieu, sœur Lucie n’a pas parlé de "trois secrets". Elle a toujours dit qu’il n’y avait qu’un seul et unique secret qui comprenait trois choses ("coïsas" en portugais). Ces trois choses sont trois sujets, trois points, abordés par le secret.
Dans le troisième mémoire, elle dévoile deux de ces points. Le premier, dit-elle, est la vision de l’enfer. Là-dessus, tout le monde est à peu près d’accord. Ce premier point ne comprend pas que la vision elle-même telle que l’a décrite Lucie dans ses troisième et quatrième mémoires : il convient de lui adjoindre les premières phrases prononcée par la Sainte Vierge juste après la vision : « Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver [de l'enfer], Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes se sauveront et l’on aura la paix.» Notons que la Sainte Vierge a bien dit : « Vous avez vu l’enfer » et non pas : « Vous avez vu une représentation de l’enfer », comme beaucoup voudraient le faire croire.
Le second point, dit sœur Lucie (toujours dans le troisième mémoire), est la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Ce ne sont pas les guerres comme disent beaucoup d’experts. Non, le deuxième point du secret concerne la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Aleteia est un peu plus près de la vérité en disant que le deuxième point est la consécration de la Russie, mais c’est incomplet. D’abord parce que Notre-Dame a dit : « Je viendrai demander la consécration de la Russie et la communion réparatrice des premiers samedis du mois. » Il faudrait au moins dire que le deuxième point concerne aussi la communion réparatrice et pas seulement la consécration de la Russie. La Sainte Vierge a associé les deux demandes ; pourquoi ne mentionner que la première ? En outre, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie est plus que cela : c’est aussi l’offrande des sacrifices de la vie quotidienne pour obtenir la conversion des pécheurs et la récitation quotidienne du chapelet pour obtenir la paix.
Dès les premières phrases du secret, on voit que les deux points révélés par sœur Lucie sont intimement mêlés : la 2e phrase de Notre-Dame dit que, pour sauver les pécheurs de l’enfer, le moyen donné par Dieu est la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Impossible de distinguer deux parties puisque les deux points sont dans la même phrase.
Sœur Lucie n’a jamais découpé le secret en plusieurs parties. Le seul découpage qu’elle ait fait est entre une partie qu’elle révéla dans ses mémoires en 1941 et une partie mise sous enveloppe cachetée en 1944. Mais en dehors de cela, sœur Lucie a toujours parlé d’un seul secret. On en a une confirmation par la façon dont elle révèle le premier point dans son troisième mémoire : après avoir dit que le premier point était la vision de l’enfer, elle donne non seulement la description de la vision, mais aussi toutes les paroles de la Sainte Vierge qu’elle révèle dans ce mémoire. Elle ne peut pas découper le secret en plusieurs parties. La seule chose qu’elle peut faire, c’est de ne pas tout révéler. Mais elle n’a jamais dit que ce qu’elle avait mis par écrit en 1944, était une partie distincte de ce qu’elle avait révélé en 1941.
Quant au troisième point, sœur Lucie n’a jamais dit qu’elle n’en avait pas parlé. Elle a même dit le contraire au père Alonso : le père lui ayant demandé pourquoi elle ne révélait pas le troisième point, elle lui répondit « qu’il n’était pas nécessaire [de l’écrire] parce qu’elle l’avait déjà dit avec clarté ailleurs ». Elle a donc parlé du troisième point sans dire que c’était le troisième point. Or, où a-t-elle pu en parler avec clarté ailleurs sinon dans ce qu’elle a révélé en 1941 ? Car dans aucune de ses lettres elle n’en parle.
Quel peut donc être ce troisième point ? La logique donne une première réponse : tout ce qui se trouve dans le secret et qui ne concerne ni l’enfer, ni la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, c’est-à-dire les guerres et les persécutions contre l’Église. Et c’est un point parfaitement consistant, car dans les paroles de la Sainte Vierge telles qu’elles sont rapportées dans les 3e et 4e mémoire, si on retire tout ce qui concerne l’enfer et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, il en reste encore la moitié ! (Voir lettre de liaison n° 118) Il y a là sûrement une grande partie du troisième point. C’est pourquoi sœur Lucie a pu dire qu’elle en avait déjà parlé « avec clarté ailleurs », mais sans préciser qu’il s’agissait du troisième point. Il est absolument impératif de présenter le secret comme cela. Sinon, nous n’avons aucune chance de bien le comprendre.
L’analyse de l’esprit du message vient étayer cette conclusion. Pourquoi Notre-Dame est-elle venue à Fatima ? Pour nous demander de prier et de faire des sacrifices pour obtenir la conversion des pécheurs. Tout le message de Fatima peut se résumer ainsi : obtenir la conversion des pécheurs par la dévotion au Cœur Immaculé de Marie et ainsi leur éviter l’enfer. Mais l’enfer est-il la seule conséquence de nos péchés ? Non ! Nos péchés sont aussi à l’origine de nombreux maux sur terre, en particulier les guerres et les persécutions contre l’Église. C’est bien ce que dit Notre-Dame dans le secret. Or les guerres et les hérésies sont aussi des occasions pour les hommes de s’écarter de la voie droite et ainsi de risquer d’aller en enfer.
Ainsi, en disant que le troisième point est la conséquence des péchés ici-bas, par opposition à la conséquence dans l’au-delà, on a donc bien un seul secret avec trois points parfaitement liés : 1) la conséquence de nos péchés dans l’au-delà, l’enfer, 2) la dévotion au Cœur Immaculé de Marie comme remède à toutes les conséquences du péché, 3) les conséquences de nos péchés ici-bas, à savoir les guerres et les persécutions contre l’Église. Ces persécutions de l'Église peuvent être des persécutions externes comme ce fut le cas sous l’empire soviétique ou comme c’est le cas actuellement en Chine et dans d’autres pays du monde. Mais ce peut aussi être des persécutions internes, voire une véritable guerre intestine pouvant conduire jusqu’à une autodestruction de l’Église.
Quoi qu’il en soit, il faut absolument présenter le secret comme l’a présenté sœur Lucie, à savoir :
- Il n’y a qu’un seul secret, et non pas trois.
- Ce secret aborde trois sujets dont :1) l’enfer dont il faut préserver les pécheurs, 2) la dévotion au Cœur Immaculé de Marie comme moyen voulu par Dieu pour les convertir et ainsi les préserver de l’enfer.
- Ces deux points ne prenant qu'une moitié des paroles du secret révélé en 1941, le troisième sujet est très vraisemblablement l’objet de l’autre moitié, laquelle parle, par deux fois, des guerres et des persécutions contre l’Église, qui peuvent être vues comme des conséquences nos péchés risquant de conduire certains en enfer.
En union de prière dans le Cœur Immaculé de Marie
Yves de Lassus
[1] Le premier moyen, donné lors de la première apparition, était la prière, et le deuxième moyen, donné au cours de la deuxième apparition l’offrande des sacrifices de la vie quotidienne. (Voir lettre n° 136)
[2] https://fr.aleteia.org/2017/05/10/quels-sont-les-trois-secrets-de-fatima/
https://fr.aleteia.org/2022/03/22/quel-est-le-premier-secret-de-fatima/
https://fr.aleteia.org/2022/03/22/quel-est-le-deuxieme-secret-de-fatima/
https://fr.aleteia.org/2022/03/22/quel-est-le-troisieme-secret-de-fatima/