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Méditation sur le 4e mystère joyeux 

Tirée de L'année liturgique
de Dom Guéranger
 

La présentation de Jésus au temple

et la purification de la Très Sainte Vierge

 

Les quarante jours de la Purification de Marie sont écoulés, et le moment est venu où elle doit monter au Temple du Seigneur pour y présenter Jésus. Avant de suivre le Fils et la Mère dans ce voyage mystérieux à Jérusalem, arrêtons-nous encore un instant à Bethléhem, et pénétrons avec amour et docilité les mystères qui vont s'accomplir.

La loi du Seigneur ordonnait aux femmes d'Israël, après leur enfantement, de demeurer quarante jours sans approcher du tabernacle ; après l'expiration de ce terme, elles devaient, pour être purifiées, offrir un sacrifice. Ce sacrifice consistait en un agneau, pour être consumé en holocauste ; on devait y joindre une tourterelle ou une colombe, destinée à être offertes selon le rite du sacrifice pour le péché. Que si la mère était trop pauvre pour fournir l'agneau, le Seigneur avait permis de le remplacer par une autre tourterelle, ou une autre colombe.

Un second commandement divin déclarait tous les premiers-nés propriété du Seigneur, et prescrivait la manière de les racheter. Le prix de ce rachat était de cinq sicles, qui, au poids du sanctuaire, représentaient chacun vingt oboles.

Marie, fille d'Israël, avait enfanté ; Jésus était son premier-né. Le respect dû à un tel enfantement, à un tel premier-né, permettait-il l'accomplissement de la loi ?

Si Marie considérait les raisons qui avaient porté le Seigneur à obliger les mères à la purification, elle voyait clairement que cette loi n'avait point été faite pour elle. Quel rapport pouvait avoir avec les épouses des hommes, celle qui était le très pur sanctuaire de l'Esprit-Saint, Vierge dans la conception de son Fils, Vierge dans son ineffable enfantement ; toujours chaste, mais plus chaste encore après avoir porté dans son sein et mis au monde le Dieu de toute sainteté ? Si elle considérait la qualité sublime de son Fils, cette majesté du Créateur, et du souverain Seigneur de toutes choses, qui avait daigné prendre naissance en elle, comment aurait-elle pu penser qu'un tel Fils était soumis à l'humiliation du rachat, comme un esclave qui ne s'appartient pas à lui-même ?

Cependant, l'Esprit qui résidait en Marie lui révèle qu'elle doit accomplir cette double loi. Malgré son auguste qualité de Mère de Dieu, il faut qu'elle se mêle à la foule des mères des hommes, qui se rendent de toutes parts au Temple, pour y recouvrer, par un sacrifice, la pureté qu'elles ont perdue. En outre, ce Fils de Dieu et Fils de l'Homme doit être considéré en toutes choses comme un serviteur ; il faut qu'il soit racheté en cette humble qualité comme le dernier des enfants d'Israël. Marie adore profondément cette volonté suprême, et s'y soumet de toute la plénitude de son cœur.

Les conseils du Très-Haut avaient arrêté que le Fils de Dieu ne serait déclaré à son peuple que par degrés. Après trente années de vie cachée à Nazareth, où comme le dit l'Évangile, il était réputé le fils de Joseph, un grand Prophète devait l'annoncer mystérieusement aux Juifs accourus au Jourdain, pour y recevoir le baptême de la pénitence. Bientôt ses propres œuvres, ses éclatants miracles, rendraient témoignage de lui. Après les ignominies de sa Passion, il ressusciterait glorieux, confirmant ainsi la vérité de ses prophéties, l'efficacité de son Sacrifice, enfin sa divinité. Jusque-là presque tous les hommes ignoreraient que la terre possédait son Sauveur et son Dieu. Les bergers de Bethléhem n'avaient point reçu l'ordre, comme plus tard les pêcheurs de Génésareth, d'aller porter la Parole jusqu'aux extrémités du monde ; les Mages, qui avaient paru tout à coup au milieu de Jérusalem, étaient retournés dans l'Orient, sans revoir cette ville qui s'était émue un instant de leur arrivée. Ces prodiges, d'une si sublime portée aux yeux de l'Église depuis l'accomplissement de la mission de son divin Roi, n'avaient trouvé d'écho et de mémoire fidèle que dans le cœur de quelques vrais Israélites qui attendaient le salut d'un Messie humble et pauvre ; la naissance même de Jésus à Bethléhem devait demeurer ignorée du plus grand nombre des Juifs ; car les Prophètes avaient prédit qu'il serait appelé Nazaréen.

Le même plan divin qui avait exigé que Marie fût l'épouse de Joseph, pour protéger, aux yeux du peuple, sa virginité féconde, demandait donc que cette très chaste Mère vint comme les autres femmes d'Israël offrir le sacrifice de purification, pour la naissance du Fils qu'elle avait conçu par l'opération de l'Esprit-Saint, mais qui devait être présenté au temple comme le fils de Marie, épouse de Joseph. Ainsi, la souveraine Sagesse aime à montrer que ses pensées ne sont point nos pensées, à déconcerter nos faibles conceptions, en attendant le jour où elle déchire les voiles et se montre à découvert à nos yeux éblouis.

La volonté divine fut chère à Marie, en cette circonstance comme en toutes les autres. La Vierge ne pensa point agir contre l'honneur de son fils, ni contre le mérite glorieux de sa propre intégrité, en venant chercher une purification extérieure dont elle n'avait nul besoin. Elle fut, au Temple, la servante du Seigneur, comme elle l'avait été dans la maison de Nazareth, lors de la visite de l'Ange. Elle obéit à la loi, parce que les apparences la déclaraient sujette à la loi. Son Dieu et son Fils se soumettait au rachat comme le dernier des hommes ; il avait obéi à l'édit d'Auguste pour le dénombrement universel ; il devait « être obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix » : la Mère et l'Enfant s'humilièrent ensemble ; et l'orgueil de l'homme reçut en ce jour une des plus grandes leçons qui lui aient jamais été données.

Quel admirable voyage que celui de Marie et de Joseph allant de Bethléhem à Jérusalem ! L'Enfant divin est dans les bras de sa mère ; elle le tient sur son cœur durant tout le cours de cette route fortunée. Le ciel, la terre, la nature tout entière, sont sanctifiés par la douce présence de leur miséricordieux créateur. Les hommes au milieu desquels passe cette mère chargée de son tendre fruit la considèrent, les uns avec indifférence, les autres avec intérêt ; mais nul d'entre eux ne pénètre encore le mystère qui doit les sauver tous.

Joseph est porteur de l'humble offrande que la mère doit présenter au prêtre. Leur pauvreté ne leur permet pas d'acheter un agneau ; et d'ailleurs n'est-il pas l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, ce céleste Enfant que Marie tient dans ses bras ? La loi a désigné la tourterelle ou la colombe pour suppléer l'offrande qu'une mère indigente ne pourrait présenter : innocents oiseaux, dont le premier figure la chasteté et la fidélité, et dont le second est le symbole de la simplicité et de l'innocence. Joseph porte aussi les cinq sicles, prix du rachat du premier-né ; car il est vraiment le Premier-né, cet unique fils de Marie, qui a daigné faire de nous ses frères, et nous rendre participants de la nature divine, en adoptant la nôtre.

Enfin, cette sainte et sublime famille est entrée dans Jérusalem. Le nom de cette ville sacrée signifie vision de paix ; et le Sauveur vient par sa présence lui offrir la paix. Admirons une magnifique progression dans les noms des trois villes auxquelles se rattache la vie mortelle du Rédempteur. Il est conçu à Nazareth ; qui signifie la fleur ; car il est, comme il le dit au Cantique, la fleur des champs et le lis des vallons ; et sa divine odeur nous réjouit. Il naît à Bethléhem, la maison du pain, afin d'être la nourriture de nos âmes. Il est offert en sacrifice sur la croix à Jérusalem, et par son sang, il rétablit la paix entre le ciel et la terre, la paix entre les hommes, la paix dans nos âmes. Dans cette journée, comme nous le verrons bientôt, il va donner les arrhes de cette paix.

Pendant que Marie portant son divin fardeau monte, Arche vivante, les degrés du Temple, soyons attentifs ; car une des plus fameuses prophéties s'accomplit, un des principaux caractères du Messie se déclare. Conçu d'une Vierge, né en Bethléhem, ainsi qu'il était prédit, Jésus, en franchissant le seuil du Temple, acquiert un nouveau titre à nos adorations.

Cet édifice n'est plus le célèbre Temple de Salomon, qui devint la proie des flammes aux jours de la captivité de Juda. C'est le second Temple bâti au retour de Babylone, et dont la splendeur n'a point atteint la magnificence de l'ancien. Avant la fin du siècle, il doit être renversé pour la seconde fois ; et la parole du Seigneur sera engagée à ce qu'il n'y demeure pas pierre sur pierre. Or, le Prophète Aggée, pour consoler les Juifs revenus de l'exil, qui se lamentaient sur leur impuissance à élever au Seigneur une maison comparable à celle qu'avait édifiée Salomon, leur a dit ces paroles, et elles doivent servir à fixer l'époque de la venue du Messie : « Prends courage, Zorobabel, dit le Seigneur; prends courage, Jésus fils de Joseph, souverain Prêtre; prends courage, peuple de cette contrée; car voici ce que dit le Seigneur : Encore un peu de temps et j'ébranlerai le ciel et la terre, et j'ébranlerai toutes les nations; et le Désiré de toutes les nations viendra; et je remplirai de gloire cette maison. La gloire de cette seconde maison sera plus grande que ne le fut celle de la première ; et dans ce lieu je donnerai la paix, dit le Seigneur des armées.

L'heure est arrivée de l'accomplissement de cet oracle. L'Emmanuel est sorti de son repos de Bethléhem, il s'est produit au grand jour, il est venu prendre possession de sa maison terrestre ; et par sa seule présence dans l'enceinte du second Temple, il en élève tout d'un coup la gloire au-dessus de la gloire dont avait paru environné celui de Salomon. Il doit le visiter plusieurs fois encore ; mais cette entrée qu'il y fait aujourd'hui, porté sur les bras de sa mère, suffit à accomplir la prophétie ; dès maintenant, les ombres et les figures que renfermait ce Temple commencent à s'évanouir aux rayons du Soleil de la vérité et de la justice. Le sang des victimes teindra encore, quelques années, les cornes de l’autel ; mais au milieu de toutes ces victimes égorgées, hosties impuissantes, s'avance déjà l'Enfant qui porte dans ses veines le sang de le Rédemption du monde. Parmi ce concours de sacrificateurs, au sein de cette foule d'enfants d'Israël qui se presse dans les diverses enceintes du Temple, plusieurs attendent le Libérateur, et savent que l'heure de sa manifestation approche ; mais aucun d'eux ne sait encore qu'en ce moment même le Messie attendu vient d'entrer dans la maison de Dieu.

Cependant un si grand événement ne devait pas s'accomplir sans que l'Éternel opérât une nouvelle merveille. Les bergers avaient été appelés par l'Ange, l'étoile avait attiré les Mages d'Orient en Bethléhem ; l'Esprit-Saint suscite lui-même à l'Enfant divin un témoignage nouveau et inattendu.

Un vieillard vivait à Jérusalem, et sa vie touchait au dernier terme ; mais cet homme de désirs, nommé Siméon, n'avait point laissé languir dans son cœur l'attente du Messie. Il sentait que les temps étaient accomplis ; et pour prix de son espérance, l'Esprit-Saint lui avait fait connaitre que ses yeux ne se fermeraient pas avant qu'ils eussent vu la Lumière divine se lever sur le monde. Au moment où Marie et Joseph montaient les degrés du Temple, portant vers l'autel l'Enfant de la promesse, Siméon se sent poussé intérieurement par la force irrésistible de l'Esprit divin ; il sort de sa maison, il dirige vers la demeure sacrée ses pas chancelants, mais soutenus par l'ardeur de ses désirs. Sur le seuil de la maison de Dieu, parmi les mères qui s'y pressent chargées de leurs enfants, ses yeux inspirés ont bientôt reconnu la Vierge féconde prophétisée par Isaïe ; et son cœur vole vers l'Enfant qu'elle tient dans ses bras.

Marie, instruite par le même Esprit, laisse approcher le vieillard ; elle dépose dans ses bras tremblants le cher objet de son amour, l'espoir du salut de la terre. Heureux Siméon, figure de l'ancien monde vieilli dans l'attente et près de succomber ! À peine a-t-il reçu le doux fruit de la vie, que sa jeunesse se renouvelle comme celle de l’aigle ; en lui s'accomplit la transformation qui doit se réaliser dans la race humaine. Sa bouche s'ouvre, sa voix retentit, il rend témoignage comme les bergers dans la région de Bethlehem, comme les Mages au sein de l'Orient. « Ô Dieu ! dit-il, mes yeux ont donc vu le Sauveur que vous prépariez ! Elle luit enfin, cette Lumière qui doit éclairer les Gentils, et faire la gloire de votre peuple d'Israël. »

Tout à coup survient, attirée aussi par le mouvement du divin Esprit, la pieuse Anne, fille de Phanuel, illustre par sa piété et vénérable à tout le peuple par son grand âge. Les deux vieillards, représentants de la société antique, unissent leurs voix, et célèbrent l'avènement fortuné de l'Enfant qui vient renouveler la face de la terre, et la miséricorde de Jéhovah qui, selon la prophétie d'Aggée, dans ce lieu, au sein même du second Temple, donne enfin la paix au monde.

C'est dans cette paix tant désirée que va s'endormir Siméon. Vous laisserez donc partir dans la paix votre serviteur, selon votre parole, Seigneur ! dit le vieillard ; et bientôt son âme, dégagée des liens du corps, va porter aux élus qui reposent dans le sein d'Abraham la nouvelle de la paix qui apparait sur la terre, et leur ouvrira bientôt les cieux. Anne survivra quelques jours encore à cette grande scène ; elle doit, comme nous l'apprend l'Évangéliste, annoncer l'accomplissement des promesses aux Juifs spirituels qui attendaient la Rédemption d'Israël. Une semence devait être confiée à la terre ; les bergers, les Mages, Siméon, Anne, l'ont jetée ; elle lèvera en son temps ; et quand les années d'obscurité que le Messie doit passer dans Nazareth seront écoulées, quand il viendra pour la moisson, il dira à ses disciples : Voyez comme le froment blanchit à maturité sur les guérets ; priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour la récolte.

Le fortuné vieillard rend donc aux bras de la très pure Mère le Fils qu'elle va offrir au Seigneur. Les oiseaux mystérieux sont présentés au prêtre qui les sacrifie sur l'autel, le prix du rachat est versé, l'obéissance parfaite est accomplie ; et après avoir rendu ses hommages au Seigneur dans cet asile sacré à l'ombre duquel s'écoulèrent ses premières années, Marie toujours Vierge, pressant sur son cœur le divin Emmanuel, et accompagnée de son fidèle époux, descend les degrés du Temple.

Tel est le mystère du quarantième jour, qui ferma la série des jours du Temps de Noël, par cette admirable fête de la Purification de la très sainte Vierge. De savants hommes, au nombre desquels on compte le docte Henschenius, dont Benoit XIV partage le sentiment, inclinent à donner une origine apostolique à cette solennité ; il est certain du moins qu'elle était déjà ancienne au cinquième siècle.


Ô Emmanuel ! en ce jour où vous faites votre entrée dans le Temple de votre Majesté, porté sur les bras de Marie, votre ineffable Mère, recevez l'hommage de nos adorations et de notre reconnaissance. C'est afin de vous offrir pour nous que vous venez dans le Temple ; c'est comme prélude de notre rachat, que vous daignez payer la rançon du premier-né ; c'est pour abolir bientôt les sacrifices imparfaits, que vous venez offrir un sacrifice légal. Aujourd'hui vous paraissez dans cette ville qui doit être un jour le terme de votre course et le lieu de votre immolation. Le mystère de notre salut a fait un pas ; car il ne vous a pas suffi de naître pour nous ; votre amour nous réserve pour l'avenir un plus éclatant témoignage.

Consolation d'Israël, vous sur qui les Anges aiment, tant à arrêter leurs regards, vous entrez dans le Temple ; et les cœurs qui vous attendaient s'ouvrent et s'élèvent vers vous. Oh ! qui nous donnera une part de l'amour que ressentit le vieillard, lorsqu'il vous tint dans ses bras et vous serra contre son cœur ? Il ne demandait qu'à vous voir, ô divin Enfant, objet de tant de désirs ardents, et il était heureux de mourir. Après vous avoir vu un seul instant, il s'endormait délicieusement dans la paix. Quel sera donc le bonheur de vous posséder éternellement, si des moments si courts ont suffi à combler l'attente d'une vie entière !

Mais, ô Sauveur de nos âmes, si le vieillard est au comble de ses vœux pour vous avoir vu seulement une fois, dans cette offrande que vous daignez faire de vous-même pour nous au Temple ; quels doivent être nos sentiments, à nous qui avons vu la consommation de votre sacrifice ! Le jour viendra, ô Emmanuel, où, pour nous servir des expressions de votre dévot serviteur Bernard, vous serez offert non plus dans le Temple et sur les bras de Siméon, mais hors la ville et sur les bras de la croix. On n'offrira point pour vous un sang étranger ; mais vous-même offrirez votre propre sang. Aujourd'hui a lieu le sacrifice du matin : alors s'offrira le sacrifice du soir. Aujourd'hui vous êtes à l'âge de l’enfance ; alors vous aurez la plénitude de l'âge d’homme ; et, nous ayant aimés dès le commencement, vous nous aimerez jusqu'à la fin.

Que vous rendrons-nous, ô divin Enfant, qui portez déjà, dans cette première offrande pour nous, tout l'amour qui consommera la seconde ? Pouvons-nous faire moins que nous offrir à vous pour jamais, dès ce jour ? Vous vous donnez à nous dans votre Sacrement, avec plus de plénitude que vous ne le fîtes à l'égard de Siméon ; nous vous recevons non plus entre nos bras, mais dans notre cœur. Déliez-nous aussi, ô Emmanuel ; rompez nos chaînes ; donnez-nous la Paix que vous apportez aujourd’hui ; ouvrez-nous, comme au vieillard, une vie nouvelle. Pour imiter vos exemples, et nous unir à vous, nous avons, pendant cette quarantaine, travaillé, à établir en nous cette humilité et cette simplicité de l'enfance que vous nous recommandez ; soutenez-nous maintenant dans les développements de notre vie spirituelle, afin que nous croissions comme vous en âge et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes.

O la plus pure des vierges et la plus heureuse des mères ! Marie, fille des Rois, que vos pas sont gracieux, que vos démarches sont belles (Cant. 7, 1), au moment où vous montez les degrés du Temple, chargée de notre Emmanuel ! que votre cœur maternel est joyeux, et en même temps qu'il est humble, en ce moment où vous allez offrir à l'Éternel son Fils et le vôtre ! À la vue de ces mères d'Israël qui apportent aussi leurs enfants au Seigneur, vous vous réjouissez en songeant que cette nouvelle génération verra de ses yeux le Sauveur que vous lui apportez. Quelle bénédiction, pour ces nouveau-nés d'être offerts avec Jésus ! Quel bonheur pour ces mères d'être purifiées en votre sainte compagnie ! Si le Temple tressaille de voir entrer dans son enceinte le Dieu en l'honneur duquel il est bâti, sa joie est grande aussi de sentir dans ses murs la plus parfaite des créatures, la seule fille d'Eve qui n'ait point connu le péché, la Vierge féconde, la Mère de Dieu.

Mais pendant que vous gardez fidèlement, ô Marie, les secrets de l'Éternel, confondue dans la foule des filles de Juda, le saint vieillard accourt vers vous ; et votre cœur a compris que l'Esprit saint lui a tout révélé. Avec quelle émotion vous déposez pour un moment entre ses bras le Dieu qui porte la nature entière, et qui veut bien être la consolation d'Israël ! Avec quelle grâce vous accueillez la pieuse Anne ! Peut-être, dans vos jeunes années, avez-vous reçu ses soins, dans cette demeure sacrée qui vous revoit aujourd'hui, Vierge encore et cependant Mère du Messie. Les paroles des deux vieillards qui exaltent la fidélité du Seigneur à ses promesses, la grandeur de Celui qui est né de vous, la Lumière qui va se répandre par ce divin Soleil sur toutes les nations, font tressaillir délicieusement votre cœur. Le bonheur d'entendre glorifier le Dieu que vous appelez votre Fils et qui l'est en effet, vous émeut de joie et de reconnaissance ; mais ô Marie, quelles paroles a prononcées le vieillard, en vous rendant votre Fils ! quel froid subit et terrible vient tout à coup glacer votre cœur ! La lame du glaive l'a traversé tout entier. Cet Enfant que vos yeux contemplaient avec une joie si douce, vous ne le verrez plus qu'à travers des larmes. Il sera en butte à la contradiction, et les blessures qu'il recevra transperceront votre âme. Ô Marie ! ce sang des victimes qui inonde le Temple cessera un jour de couler ; mais il faut qu'il soit remplacé par le sang de l'enfant que vous tenez entre vos bras.

Nous sommes pécheurs, ô Mère, naguère si heureuse, et maintenant si désolée ! Ce sont nos péchés qui ont ainsi tout d'un coup changé votre allégresse en douleur. Pardonnez-nous, ô Mère ! Laissez-nous vous accompagner à la descente des degrés du Temple. Nous savons que vous ne nous maudissez pas ; nous savons que vous nous aimez, car votre Fils nous aime. Oh ! aimez-nous toujours, Marie ! intercédez pour nous auprès de l'Emmanuel. Obtenez-nous -de conserver les fruits de cette précieuse quarantaine. Les grâces de votre divin Enfant nous ont attirés vers lui ; nous nous sommes permis d'approcher de son berceau ; votre sourire maternel nous y invitait. Faites, ô Marie, que nous ne quittions plus cet Enfant qui bientôt sera un homme ; que nous soyons dociles à ce Docteur de nos âmes, attachés, comme de vrais disciples, à ce Maître si plein d'amour, fidèles à le suivre partout comme vous, jusqu'au pied de cette croix qui vous apparaît aujourd'hui.

 

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