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Lettre de Mgr Zola, évêque de Lecce

à M. l'abbé Roubaud, curé de Saint Tropez (Var)

VESCOVADO  DI LECCE                  

Lecce , le 24 mai 1880.

Monsieur le curé,

Je déplore vivement l'opposition que la France fait maintenant au céleste Message de la Saiette. Nous sommes déjà à la veille des châtiments terribles dont nous a menacés la Mère de Dieu, à cause de nos prévarications, et cependant nous préférons repousser les avertissements d'une Mère si tendre et si miséricordieuse, plutôt que de profiter de ses leçons, seul acte de notre part qui pourrait diminuer l'intensité des fléau dont nous menace, la colère divine. Je reconnais en cela l'œuvre de notre -vieil ennemi, qui a le plus grand intérêt à. exploiter tout moyen, surtout auprès des, ministres de Dieu, ut videntes non videant et intelligentes non intelligant.

Votre pieuse croyance et votre dévotion filiale à Notre-Dame de la Saiette vous engage à me demander beaucoup de choses et de renseignements, au sujet du secret de Mélanie ; aussi me vois-je dans l'embarras en voulant vous satisfaire par une simple lettre.

Toutefois je m'efforcerai de me conformer à vos désirs autant qu'il me sera possible.

Ce ne fut que le 3 juillet 1851, que Mélanie écrivit elle-même son secret, pour la première fois au - couvent de la Providence, à Corenc, par ordre de Mgr de Bruillard, évêque de Grenoble, et en présence de M. Dausse, ingénieur en chef des ponts et chaussées et de M. Taxis, chanoine de la cathédrale de Grenoble. Mélanie remplit, trois grandes pages d'un seul trait,- sans rien dire, sans rien demander. Elle signe sans relire, plie son secret, et le met dans une enveloppe. Elle met ainsi l'adresse :

« A Sa Sainteté Pie IX, à Rome. »

Le lendemain 4 juillet, le secret est recopié par Mélanie elle-même, à l'évêché de Grenoble, dans le but de bien distinguer deux dates des événements qui ne doivent pas arriver à la même époque. Mélanie, n'ayant mis la première fois qu'une seule date, craignait que, pour ce motif, le Pape ne comprit pas bien, et qu'il y eût par conséquent équivoque.

Le 18 juillet, M. Gérin, curé de la Cathédrale de Grenoble, et M. Rousselot, vicaire-général honoraire, deux saints prêtres d'un âge avancé et très-respectables à tous égards, remettaient à Sa Sainteté Pie IX les lettres de Mgr de Grenoble et celles de Maximin et de Mélanie renfermant leurs secrets.

Mélanie n'a pas envoyé à Sa Sainteté Pie IX tout le secret qu'elle a publié dernièrement, mais seulement tout ce que la sainte Vierge lui inspira sur l'heure d'écrire de cet important document, et en outre bien des choses qui pouvaient concerner Pie IX personnellement. Toutefois, par suite d'informations que je vous donne comme très précises, je sais que les reproches adressés au clergé et aux communautés religieuses étaient contenus identiquement dans la partie du secret donnée à Sa Sainteté Pie IX.

L'heureuse bergère de la Saiette communiqua plus tard à diverses personnes quelques autres parties du secret, lorsqu'elle jugeait que le moment opportun pour les publier était arrivé. Mais la publication du secret tout entier n'a été faite que dans la brochure écrite par Mélanie elle-même et imprimée à Lecce en 1879, sur la demande et aux frais d'une pieuse personne.

En 1860, à Marseille, un des directeurs de Mélanie obtint un manuscrit du secret ; il me fut remis à moi-même en. 1869, lorsque j'étais le directeur spirituel de Mélanie, par ordre de Mgr Petagna, évêque de Castellamare de Stabia. Le 30 janvier 1870, Mélanie livra entre les mains de M. l'abbé Félicien Bliard ce même document, avec sa déclaration d'authenticité et sa signature, mais avec de petites réticences indiquées par des points et par des etc..., remplaçant ainsi les parties du secret qu'elle ne jugeait pas devoir encore dévoiler. La partie concernant les prêtres et les religieux, presque entière, y était à sa place. M. l'abbé F. Bliard en adressa de Nice une copie, le 24 février 1870, certifiée conforme, au R. P. Séménenko, consulteur de l'Index à Rome et supérieur du séminaire polonais. Il fit de même pour plusieurs dignitaires de l'Église. Cependant le secret de la bergère de la Saiette s'était répandu déjà partout, en manuscrit surtout dans les communautés religieuses et parmi le clergé.

En 1873, M. l'abbé F. Bliard publia ce document, tel qu'il l'avait reçu de Mélanie en 1870, avec ses savants commentaires, dans une brochure intitulée : Lettres à un ami sur le secret de la bergère de la Salette. Cette brochure parut à Naples avec l'approbation, donnée le 30 avril 1873, par la curie de son Éminence le cardinal Xyste-Riario Sforza, archevêque de Naples ; je puis certifier moi-même l'authenticité de cette approbation, et aussi l'authenticité de la lettre que j'adressai à M. l'abbé F. Bliard, en date du 1er mai 1873, après ma promotion à l'évêché de Ugento, lettre qui fut imprimée à la première page de la dite brochure.

M. C.-R. Girard, savant directeur de la Terre-Sainte à Grenoble, tenant de M. F. Bliard le secret de Mélanie, le publia dès 1872 dans son livre intitulé : Les secrets de la Saiette et leur importance. Cette brochure n'était que le premier de cinq bien importants opuscules qui ont paru plus tard, et qui sont destinés par le même auteur à justifier et à confirmer les révélations de la Saiette, ainsi qu'à les défendre des attaques de ses ennemis. Ces ouvragés de M. Girard ont été honorés de l'agrément et de la bénédiction de Sa Sainteté Pie IX et des encouragements de plusieurs théologiens et évêques catholiques. L'Avenir dévoilé, dans son supplément, contenait aussi le Message à, peu près conforme à celui publié par M. F. Bliard.

Je vous dirai encore que pendant plusieurs années, étant l'abbé des chanoines réguliers de Latran à Sainte-Marie de Piedigrotta à Naples, en ma qualité de supérieur de cet ordre, j'ai eu l'occasion d'entretenir des relations avec de très respectables prélats et princes de l'Église romaine. Ils étaient assez bien informés à l'égard de Mélanie et de son secret, ils avaient reçu presque tous ce document. Eh bien ! tous, pas un seul excepté, portèrent un jugement tout à fait favorable à cette divine révélation et à l'authenticité du secret. Je me borne à vous citer entre autres : Mgr Pétagna, évêque de Castellamare de Stabia, qui tenait sous sa tutelle, depuis quelques années, la bonne bergère de la Saiette ; Mgr Mariano Ricciardi, archevêque de Sorrento ; Son Éminence le cardinal Guidi ; Son Éminence le cardinal Xyste-Riario Sforza, archevêque de Naples... Ces saints et vénérables pasteurs m'ont parlé toujours de façon à me confirmer profondément dans ma croyance, devenue désormais inébranlable, à la divinité des révélations renfermées dans le secret de la bergère (le la Saiette. Je tiens aussi de source certaine que notre saint Père Léon XIII a également reçu ce même document tout entier.

Je n’oublie pas, mon cher monsieur le Curé, que le secret contient des vérités bien dures à l’adresse du clergé et des communautés religieuses. On se sent le cœur bien oppressé et l'âme toute terrifiée quand on aborde de semblables révélations. Si je l'osais, je demanderais à Notre-Dame pourquoi elle n'a pas enjoint de les ensevelir dans un éternel silence... Mais poserons-nous des questions à Celle qui est appelée le trône de la sagesse ? Profiter de ses leçons, voilà toute notre tâche.

Cependant, les plaintes de notre très-Miséricordieuse Mère, et les reproches adressés aux pasteurs et aux ministres de l'autel ne sont pas sans raison, et ce n'est pas la première fois que le Ciel adresse au clergé de semblables reproches destinés à devenir publics. Nous en trouvons dans les psaumes, dans Jérémie, dans : Ézéchiel, dans Isaïe, dans Michée, etc., dans les œuvres des Pères et des docteurs de l'Église, dans les sermons des évêques et des auteurs sacrés, dans plusieurs révélations qui ont été faites en ces derniers temps à des saints et à des saintes ; dans les lettres de sainte Catherine de Sienne, dans les écrits de sainte Hildegarde, de Sainte Brigitte, de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, de sœur Nativité, de l'extatique de Niederbronn, Élisabeth Eppinger, de sœur Marie Lataste, de la servante de Dieu Élisabeth Caneri Mora, etc... Je passe sous silence les révélations de sainte Thérèse, de sainte Catherine de Gènes, de Marie d'Agréda, de Catherine Emmerich, de la vénérable Anna-Maria Taïgi et de plusieurs autres.

Il est toutefois certain qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre les termes généraux concernant les reproches adressés au clergé et aux communautés religieuses ; car il existe un langage qui est propre au style prophétique. Aussi, les termes du secret, pas plus que les termes prophétiques de nos Saints Livres, ne peuvent-ils nous inspirer du mépris ou de la défiance pour ceux qui auront toujours droit à notre respect, à notre, estime et à notre confiance.

Nous nous réjouissons d'ailleurs en voyant dans le sein de l'Église des pasteurs  et des Ministres resplendissants par l'éclat de la science et de la sainteté : que de belles âmes, que d'âmes vraiment nobles, généreuses, pleines de charité, avides de dévouement et de sacrifices n'y trouve-t-on pas ? Peut-être, monsieur le Curé, vous qui voyez fleurir autour de vous tant de fervents ministres de Dieu, vous aurez peine à comprendre les révélations si humiliantes et les paroles menaçantes et terribles adressées par l'Auguste Mère de Dieu à la phalange sacerdotale ! Ah ! S’il en était de même partout !

Mais n'oublions pas, Monsieur, que la divine Mère embrasse de son regard, l'univers, tout entier, et que son œil si pur peut être attristé par bien des choses que nous ne pouvons ni connaître, ni Même soupçonner, quelque pénible et humiliant qu'il puisse être pour nous d'entendre les révélations qui tombent des lèvres virginales de cette bonne Mère ; prions-la d'obtenir de Dieu pour nous la grâce de les recevoir avec reconnaissance et avec fruit, Rien, si ce n'est notre-docilité, ne pourra diminuer la rigueur des châtiments qui nous sont réservés et hâter -l'avènement du règne.de la justice et de la paix.

Quant au secret imprimé à Lecce, je vous assure qu'il est identique à celui qui me fut donné par Mélanie en 1869 ; elle a comblé seulement dans ce dernier ces lacunes, ces petites réticences qui, du reste, étaient loin de rien ajouter ou de rien ôter à la substance de ce document. Je l'ai moi-même fait examiner par ma curie épiscopale, suivant les règles de l'Église, et mon vicaire général, n'ayant trouvé aucune raison qui pût s'opposer à la publication du secret, a délivré sa licence d'imprimer en ces termes : « Nihil obstat, Imprimatur », à la personne qui voulait le publier à ses frais et selon ses pieuses intentions, Cette approbation, ainsi qu'on le voit à la fin de la brochure, a 'été bien donnée le 15 novembre 1879. La brochure a été écrite réellement et entièrement par Mélanie Calvat, bergère de la Salette, laquelle était surnommée Mathieu. Il n'est pas possible d'élever des doutes sur l'authenticité de cette brochure,

Voici maintenant ce qui concerne la personne de Mélanie, Cette pieuse fille, cette âme vertueuse et privilégiée, que la haine des méchants et des incrédules a cherché à avilir en la faisant l'objectif de ses détestables et grossières calomnies et de son orgueilleux dédain, je puis attester devant Dieu qu'elle n'est, en aucune manière, ni fourbe, ni folle, ni illusionnée, ni orgueilleuse, ni intéressée. J'ai eu, au contraire, l'occasion d'admirer les vertus de son âme, ainsi que les qualités de son esprit, pendant toute cette période de temps que je l'eus sous ma direction spirituelle, c'est-à-dire de 1868 jusqu'en 1873. À cette dernière époque, à la suite de ma promotion de supérieur des chanoines réguliers à l'évêché de Ugento, ne pouvant désormais m'occuper de sa direction, j'ai voulu toutefois continuer avec elle des relations écrites. Je puis affirmer que, jusqu'à ce moment, sa vie édifiante, ses vertus, ses écrits, ont gravé profondément dans mon cœur les sentiments de respect et d'admiration que je dois garder bien justement à son égard,

Notre saint Père Léon XIII, en 1879, a daigné honorer Mélanie d'une audience privée et la charger aussi de la compilation des règles du nouvel ordre, préconisé et réclamé par Notre-Dame de la Saiette, et intitulé : « Les apôtres des derniers temps ». Pour achever une telle rédaction, l'ex-bergère demeura pendant cinq mois dans le couvent des Salésiane, Rome. Pendant ce temps, elle a été encore mieux-connue et plus estimée, surtout par ces bonnes religieuses, qui ont donné de très-favorables attestations sur le compte de cette heureuse bergère de la Salette.

Je sais enfin, par mes informations, que M. Nicolas, avocat à Marseille, étant à Rome le samedi saint 1880, a été chargé par Sa Sainteté Léon XIII de rédiger une brochure explicative du secret tout entier, afin que le public le comprenne bien. Ces renseignements suffiront, je crois, pour vous confirmer dans votre croyance. J'aurais beaucoup à vous dire encore, mais je ne veux pas vous entretenir plus longtemps dans une lettre d'une question qui ne pourrait être dignement et complètement traitée que dans un livre.

Recevez, mon cher monsieur le Curé, les sentiments de ma considération respectueuse et distinguée.

Votre très humble serviteur en Notre-Seigneur,
Signé : + Sauveur-Louis, évêque de Lecce

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