Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Notre-Dame, le 13 juillet 1917
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Méditation pour le 4e mystère joyeux

Tirée des Méditations sur les mystères de notre sainte foi
du vénérable père Du Pont, s. j.

Le saint vieillard Siméon
et
la prophétesse Anne

I. — Siméon attend la rédemption d'Israël

Or il y avait à Jérusalem un homme juste et craignant Dieu, nommé Siméon. Il attendait la venue du Messie qui devait être la consolation d’Israël ; et le Saint-Esprit était en lui. Et il lui avait été révélé par le Saint-Esprit qu'il ne mourrait point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur.

1) Comme le Saint-Esprit donna à Zacharie et à sainte Élisabeth le don de prophétie pour publier la venue du Fils de Dieu avant sa naissance ; de même il suscite deux autres prophètes pour le faire connaître aussitôt qu'il est né. Le premier est Siméon, vieillard vénérable doué de toutes les vertus et de toutes les qualités requises pour s'acquitter dignement de son ministère. C'est un homme juste et craignant Dieu, rapporte l'évangéliste saint Luc. Il gardait avec une exactitude extrême toutes les observances de la loi, sans en omettre aucune, parce que la crainte du Seigneur consiste à fuir les fautes les plus légères, selon cette parole du Sage : Celui qui craint Dieu ne néglige rien, ne regarde rien comme petit. Il nourrissait dans son cœur une ferme espérance, accompagnée d'un continuel désir de voir le Messie, dont le peuple d'Israël attendait sa consolation et son salut. Enfin, il le priait instamment de hâter le moment de sa venue, afin d'avoir le bonheur de le contempler avant que la mort lui fermât les yeux. Telle était l'occupation de sa vie, et il mérita par l'exercice de ces vertus que l'Esprit-Saint habitât en lui.

Comprenons par là qu'une âme pure et libre des attachements de la terre, demande hardiment à Dieu de grandes choses. Témoin Moïse qui ne craint pas de dire au Seigneur : Manifestez-moi votre gloire, découvrez-mot votre visage. Témoin l'Épouse dans les Cantiques : Indiquez-moi, dit-elle à son bien-aimé, où vous menez paître vos brebis, où vous reposez au milieu du jour. De même, Siméon, le juste, désire voir de ses yeux le Messie ; il le désire et il l'obtient. Une grande foi, dit saint Bernard, mérite de grandes grâces ; et plus votre confiance osera demander au Seigneur, plus vous recevrez de sa main libérale.

2) L'Esprit-Saint, qui se plaît à faire la volonté de ceux qui le craignent, et à exaucer les désirs des pauvres qui vivent dans son amour, veut consoler Siméon et récompenser sa foi, en lui donnant l'assurance qu'il ne sortira point de ce monde avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Apprenons de là combien il est avantageux à l'homme de savoir traiter familièrement avec ce divin Esprit, et de le posséder avec la plénitude de ses dons. Car c'est lui-même, ainsi que saint Paul nous l'enseigne, qui prie en nous et pour nous avec des gémissements ineffables ; c'est lui qui nous assure par avance que la prière dont il est l'auteur sera exaucée dans son temps, bien que ce temps soit parfois éloigné, comme il arriva au saint vieillard Siméon. Dieu veut en effet que notre espérance soit soutenue par la patience, et que nous nous disposions par cette vertu à recevoir les grâces que nous attendons.

3) Voyons comment le Seigneur accorde quelquefois dès cette vie aux âmes ferventes le bonheur qu'il promet aux justes dans la vie future. Même ici-bas, il leur est donné de voir Jésus-Christ dans la contemplation, selon cette promesse du Sauveur Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.

Ô Dieu éternel, qui avez dit : Nul homme ne me verra sans mourir ; faites que je meure pour vous voir ; faites que je vous voie pour mourir. Que je vous voie sur cette terre par la contemplation, afin que je meure à moi-même par une entière mortification, et que, mourant d'une si heureuse mort, je mérite de vous contempler éternellement dans votre gloire. Ainsi soit-il.

II. — Siméon reçoit l'Enfant-Dieu dans ses bras

Le jour même où la Vierge présenta au Père éternel son Divin Fils, Siméon alla au temple par le mouvement de l'esprit de Dieu qui était en lui ; et dès qu'il la vit entrer, une lumière céleste lui fit connaître que cet enfant était le Messie. Il le prit aussitôt entre ses bras, et il loua Dieu, en disant : C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez mourir en paix votre serviteur, selon votre parole ; car mes yeux ont vu votre salut...

1) Avec quelle fidélité et quelle libéralité l'Esprit-Saint accomplit sa promesse ! Pour consoler pleinement son serviteur, il lui accorde plus qu'il ne lui a promis. Tout ce qu'il lui avait fait espérer, c'était de voir le Messie ; et voilà que, par une faveur inattendue, il lui permet de le prendre entre ses bras, de le couvrir de ses baisers, de le presser amoureusement sur son cœur. Oh ! qu'elles sont vraies ces paroles de l'Apôtre : Le Tout-Puissant peut faire en nous et pour nous infiniment plus que nous ne saurions demander, ni même comprendre. Qui donc ne s'estimerait heureux de servir un maître qui nous fait les plus avantageuses promesses ; qui les garde inviolablement ; qui donne même plus qu'il n'a promis, s'il trouve en nous une fidèle correspondance ?

Ce qui se passa dans la présentation de Jésus se reproduit de nos jours. Lorsque Marie entra dans le temple, il s'y rencontra des personnes de toute condition : des docteurs et des prêtres, des nobles et des plébéiens, des riches et des pauvres. Et cependant, le Seigneur n'ouvrit les yeux de l'âme qu'à Siméon, il ne se manifesta qu'à lui seul, en récompense de la sainteté de sa vie, et de la dévotion qui l'avait amené au temple. Tous les autres ne firent aucune différence entre cet Enfant divin et les enfants ordinaires, auxquels, extérieurement, il était en tout semblable. De même aujourd'hui, parmi cette multitude de personnes qui entrent dans nos églises, il en est peu qui, éclairées par la lumière céleste, découvrent Notre-Seigneur présent dans son tabernacle, peu qui l'adorent avec dévotion, et méritent de le recevoir spirituellement dans leur âme et de participer avec joie à ses grâces. Ce n'est pas que cet aimable Sauveur ne souhaite ardemment de se faire connaître et sentir à tous les hommes ; mais petit est le nombre de ceux qui se présentent devant lui avec les mêmes dispositions que Siméon, prêts à recevoir les bienfaits dont il est lui-même prêt à les combler.

Ô mon âme, entre avec esprit de recueillement dans le temple où Jésus réside, afin que tu mérites de le voir des yeux de la foi, et de l'embrasser avec dévotion et avec amour.

2) De quelles consolations fut inondée l'âme de ce saint vieillard, lorsqu'il vit et qu'il reçut dans ses bras son Sauveur ; de quelle joie il fut transporté, de quels délices il fut enivré, et comme il se crut largement récompensé, par cette unique faveur, de tous les travaux et de toutes les souffrances de sa longue carrière. Il lui semble qu'il n'a plus rien à souhaiter, rien à voir ici-bas, après avoir contemplé le Désiré des nations, le Rédempteur du genre humain. Aussi ne songe-t-il plus qu'à bénir, qu'à remercier le Dieu de ses pères de la grâce qu'il lui a faite, déclarant qu'il est prêt à quitter la terre aussitôt qu'il plaira à sa divine bonté de l'appeler à lui.

Ô mon âme, n'ambitionne pas d'autre science que la connaissance sublime de Jésus-Christ, ton Seigneur. Elle t'enseignera à fouler aux pieds, comme de la boue, toutes les choses créées pour gagner Jésus, en qui tu posséderas tout ce que tu peux désirer. Si tu envisages avec une foi vive ce divin objet, que peux-tu voir de plus ravissant ? Si tu l'embrasses avec une brûlante charité, que peux-tu posséder de plus délicieux ? S'il est tout à toi, quel bien peut te manquer ? communiquez-moi, ô bon Jésus, par les mérites de Siméon votre serviteur, un rayon de la lumière dont vous l'éclairez en ce jour, afin que, comme il vous a connu et aimé, je vous connaisse et je vous aime dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

Nous voyons, par l'exemple de Siméon, que deux causes principales contribuent à rendre la mort des justes douce et précieuse devant le Seigneur. La première est une espérance ferme des biens célestes. Les saints, en effet, savent par expérience que Dieu leur accorde tous les biens qu'il a promis à l'homme juste en cette vie. Ainsi, il leur donne le centuple de ce qu'ils ont abandonné pour son amour ; il écoute favorablement leurs prières ; il les assiste dans leurs besoins, les console dans leurs afflictions, les protège dans les périls qui les environnent. Or cette expérience leur inspire une confiance intime qu'il accomplira avec la même fidélité les promesses qu'il leur a faites pour la vie future. D'où il suit que, dans l'excès de leur joie, ils répètent avec bonheur ces paroles du Roi-Prophète : Je dormirai et me reposerai dans la paix, parce que c'est vous, Seigneur, qui affermissez mon espérance. La seconde est un désir ardent des biens qu'ils espèrent. L'homme spirituel qui est parvenu, au moyen de la contemplation, à la connaissance des grandeurs et des perfections de Jésus-Christ, qui a goûté la douceur des consolations divines, ne regarde les biens passagers d'ici-bas qu'avec dégoût et avec mépris. Il les dédaigne comme vils et indignes de lui. La vie présente est pour lui un tourment, la mort est l'unique objet de ses vœux. Je désire, s'écrie-t-il avec l'Apôtre, je désire être dégagé des liens du corps et réuni avec Jésus-Christ. Quand le verrai-je ? quand jouirai-je à jamais de sa présence ? — Si donc, ô mon âme, tu estimes comme un insigne bonheur la paix et la tranquillité dans lesquelles meurent les amis de Dieu, efforce-toi d'imiter la ferveur et la piété avec lesquelles ils vivent : car une vie pieuse et fervente ne peut manquer d'être suivie d'une douce et sainte mort.

3) Enfin, quelle joie ressentit la, très sainte Vierge de voir son Fils ainsi connu et honoré, et d'entendre ce qui se disait à sa louange ! Elle en était dans l'admiration, elle et son saint époux, dit l'évangéliste saint Luc ; et tous deux glorifiaient le Père éternel de ce qu'il commençait à faire connaître aux hommes celui qui venait pour les racheter.

III. — La prophétie de Siméon

Tandis que la Mère de Jésus goûtait une joie si pure, Siméon la bénit et lui dit prophétiquement : Cet enfant que vous voyez est établi pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs en Israël ; il sera en butte à la contradiction ; et votre âme sera percée d'un glaive de douleur. Ces choses arriveront afin que les pensées cachées au fond des cœurs d'un grand nombre soient découvertes.

1) Admirons la conduite de la Providence, qui tempère la joie de la Vierge par les plus navrantes prédictions. Au moment où elle se sent heureuse de voir son Fils glorifié, le Père éternel lui montre dans le lointain les peines terribles que ce même Fils doit endurer, et fait briller aux yeux de la plus sainte des femmes le glaive qui transpercera un jour son cœur maternel. Il faut qu'elle commence dès lors à sentir la pointe de ce glaive et à savourer l'amertume des souffrances futures de Jésus.

Ô Dieu infiniment sage et infiniment bon, c'est ainsi que vous vous plaisez à partager entre les consolations et les afflictions la vie de vos fidèles serviteurs I Tantôt vous les élevez jusqu'au ciel, tantôt vous les abaissez jusqu'au fond de l'abîme. Vous blessez leur cœur, ou du trait de l'amour, ou du trait de la douleur ; et par ces deux sortes de blessures, vous ne prouvez pas moins la profondeur de votre sagesse que la tendresse de votre charité. Puis donc, Seigneur, que telle est votre conduite envers vos amis, me voici prêt à tout. Percez-moi de l'un ou de l'autre de vos glaives, pourvu que vous m'admettiez enfin dans la compagnie de vos élus.

2) Méditons attentivement les deux points remarquables de la prophétie du saint vieillard Siméon touchant l'Enfant-Dieu. En premier lieu, il est établi pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs. Ce qui signifie : Un grand nombre d'hommes, aidés par sa grâce, s'élèveront de l'état du péché à une haute sainteté, tandis que d'autres, refusant de profiter de sa venue, tomberont dans l'abîme de tous les vices. Or ils y tomberont par leur propre faute ; car Jésus-Christ, autant qu'il dépend de lui, veut sauver tous les hommes et n'être une pierre d'achoppement pour personne. En second lieu, il sera un signe de contradiction, signe nouveau, signe merveilleux et admirable exposé devant tous les peuples ; mais signe contre lequel se ligueront tous ses ennemis. Ils le combattront dans sa doctrine ; ils le calomnieront dans ses miracles ; ils le persécuteront dans sa vie ; ils ne s'arrêteront que lorsqu'ils l'auront attaché à un bois infâme. C'est là surtout, élevé sur cette croix, qu'il sera un signe de condamnation pour les réprouvés, et un signe de salut pour les élus. Ses disciples, timides jusqu'alors, fortifiés par la vertu de son sang, ne craindront plus de manifester les sentiments de foi et de fidélité qu'ils tenaient cachés au fond de leur cœur.

En réfléchissant sur cette double prédiction que l'événement vérifie encore aujourd'hui, nous serons saisi d'effroi à la pensée des justes jugements de Dieu sur une multitude innombrable d'infidèles et de chrétiens. Déplorons amèrement leur perte éternelle, et le glaive de douleur qui transperça l'âme de Marie transpercera la mienne. Supplions en même temps le Seigneur Jésus que sa venue sur la terre soit pour nous, non un sujet de ruine, mais de résurrection ; qu'elle nous soit un signe de vie et de salut. Demandons-lui qu'il nous fasse la grâce de croire et d'espérer en lui, de l'aimer et de l'imiter, de devenir un de ses disciples que le Père lui a donnés pour être, aux yeux des hommes étonnés, des signes et des prodiges, par leurs paroles aussi puissantes, et par leurs œuvres aussi admirables que les siennes. Si, en qualité de fidèle disciple de Jésus-Christ, nous sommes en butte à la persécution et à la contradiction, réjouissons-nous-en ; regardons les attaques de la calomnie comme des gages assurés de l'amour tout spécial que Dieu nous porte, puisqu'il daigne nous rendre par là si semblable à son Fils unique.

IV. — Anne la prophétesse

L'Esprit-Saint, qui, par une grâce particulière, avait fait connaître le Sauveur à un saint vieillard, favorisa de la même grâce une sainte veuve fort avancée en âge, nommée Anne. Elle ne sortait presque point du temple, où elle servait Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Inspirée de Dieu, elle survint à l'heure même où Jésus entrait dans la maison de son Père ; et, ayant su par révélation que cet enfant était le Messie, elle se mit à le louer et à parler de lui à tous ceux qui attendaient la Rédemption d'Israël.

1) Dieu a différentes manières de consoler ses serviteurs. Il avait promis à Siméon, longtemps avant la naissance du Sauveur, qu'il le verrait de ses yeux, voulant enflammer en lui le désir de le contempler, et l'encourager par cette promesse. Pour Anne, nous ne savons pas qu'elle eût reçu la même assurance. Il semble plutôt que Dieu lui inspira soudain la pensée d'aller au temple pour voir le divin Enfant, et qu'il la récompensa, par cette faveur, des bonnes œuvres qu'elle avait si constamment pratiquées jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

2) Réfléchissons sur les six vertus qui méritèrent à cette sainte veuve une grâce si extraordinaire. Ces vertus furent la chasteté, l'oraison continuelle, le jeûne, l'observation de la loi divine, la dévotion en tout ce qui concernait le culte du Seigneur, la persévérance durant tant d'années dans ses pieux exercices. Efforçons-nous de pratiquer à son exemple toutes ces vertus, si nous désirons participer aux grâces qu'elles lui ont obtenues.

Jésus, mon souverain Roi, donnez-moi les six ailes des séraphins qui vous servent dans le temple mystique de votre Église, afin que je vole partout où m'appellera votre service, jusqu'à ce que j'aie le bonheur de jouir éternellement de votre présence dans le temple de votre gloire. Ainsi soit-il.

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