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Consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie par Pie XII
En ce qui concerne la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, Monseigneur l’évêque de Gurza m’a écrit plusieurs fois. Son Excellence a de grands désirs et de grandes espérances. Au cours de leur dernière retraite, Nos Seigneurs les évêques convinrent d’envoyer à Rome une nouvelle supplique, et de faire en sorte que cette supplique soit faite aussi par les évêques d’autres nations.
Auparavant, le pape avait déjà eu connaissance de la demande d’une consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie :
- en 1936, par une lettre du père Pinho, le directeur spirituel d’Alexandrina da Costa qui, cette année-là, avait reçu de Notre-Seigneur une demande dans ce sens,
- en 1938, par une lettre des évêques portugais qui reprenait la demande du père Pinho,
- en 1940, par une lettre de sœur Lucie dans laquelle la demande de consécration de la Russie avait été modifiée par Monseigneur da Silva en demande de consécration du monde.
Aussi, la demande des évêques portugais acheva-t-elle de convaincre Pie XII. Le pape demanda alors au cardinal Schuster, archevêque de Milan, de publier la demande de Notre-Dame, ce qu'il fit dans une lettre pastorale en date du 13 octobre 1942. Car le Saint-Père voulait que cette demande soit connue avant de prononcer la consécration qu'il envisageait.
Ensuite, le pape consulta le Saint-Office sur l’opportunité d’une telle consécration, lequel répondit « qu’il n’existait aucune objection théologique à ce sujet, mais que cette consécration ne semblait pas opportune ». Pie XII décida de passer outre le conseil du Saint-Office et, le 31 octobre 1942, dans une allocution radiodiffusée, il consacra « l’Église et le monde au Cœur Immaculé de Marie », mentionnant la Russie de la façon suivante :
Aux peuples séparés par l’erreur et par la discorde, et spécialement à ceux qui professent pour vous une singulière dévotion et chez lesquels il n’y avait pas de maison qui n’honorât votre vénérable icône, aujourd’hui peut-être cachée et réservée pour des jours meilleurs, donnez la paix, et reconduisez-les à l’unique bercail du Christ, sous l’unique et véritable Pasteur. (Voir texte complet de la consécration en fin d’article)
Il renouvela la consécration de façon solennelle, le 8 décembre suivant.
Les résultats de cette consécration ne se firent pas attendre. Le 22 octobre 1940, Notre-Seigneur avait promis à sœur Lucie, moyennant cette consécration, « d’abréger les jours de tribulation par lesquels il avait décidé de punir le monde de ses crimes ». Et en effet, quelques jours après la consécration, les armées allemandes subissaient leurs premières défaites déterminantes à El-Alamein et Stalingrad.
Le 3 novembre, à El-Alamein, après dix jours de combats terribles, le maréchal Rommel dut se replier. Et le 8, les troupes anglo-américaines débarquaient en Afrique du Nord.
Après avoir occupé la plus grande partie de Stalingrad, le 19 novembre, une offensive russe se termina par l’encerclement de la VIe armée du général von Paulus et malgré une contre-attaque vers la mi-décembre, les allemands durent capituler en février 1943.
Ce fut également en novembre 1942 que la bataille de l’Atlantique tourna au profit des alliés. Le mois de novembre fut le meilleur mois de la guerre pour les U-boote avec 800 000 tonnes coulées. Mais à partir de janvier 1943, les pertes alliées diminuèrent et les U-boote subirent de tels revers qu’au mois de mai suivant, l’amiral Dönitz, chef de la Kriegsmarine, décida de retirer tous les sous-marins de l’Atlantique nord.
Ainsi, juste après la consécration faite le 31 octobre, sur les trois principaux fronts, l’Afrique du Nord, la Russie et l’Atlantique, les allemands essuyaient de sérieux revers. Et les trois mois qui suivirent marquèrent le véritable tournant de la guerre.
Très vite, sœur Lucie fit savoir que ces victoires étaient le fruit de l’acte du Saint-Père.
Le 28 février 1943, elle écrivit à l’évêque de Gurza : « Le Bon Dieu m’a déjà montré son contentement de l’acte bien qu’incomplet selon son désir, réalisé par le Saint-Père et par plusieurs évêques. Il promet, en retour, de mettre fin bientôt à la guerre. La conversion de la Russie n’est pas pour maintenant ».
De même, le 4 mai 1943, elle écrivit au père Gonçalvès : « Il [Notre-Seigneur] promet la fin de la guerre pour bientôt, eu égard à l’acte qu’a daigné faire Sa Sainteté. Mais comme il fut incomplet, la conversion de la Russie sera pour plus tard ».
Voyant les résultats obtenus, le 4 mai 1944, Pie XII décréta que chaque année le 22 août, jour octave de l’Assomption, l’Église entière célèbrerait une fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie, afin de conserver le souvenir de la consécration du 8 décembre 1942. Et il lui assigna pour but d’obtenir, par l’intercession de la très Sainte Vierge, « la paix des nations, la liberté de l’Église, la conversion des pécheurs, l’amour de la pureté et la pratique des vertus». (Missel de Dom Lefevbre, à la fête du 22 août)
Dans le rite ordinaire, cette fête a été transférée au samedi qui suit la fête du Sacré-Cœur.
Voici la prière complète de consécration de Pie XII :
Reine du Très Saint Rosaire, secours des chrétiens, refuge du genre humain, victorieuses de toutes les batailles de Dieu, nous voici prosternés suppliants aux pieds de votre trône, dans la certitude de recevoir les grâces, l’aide et la protection opportunes dans les calamités présentes, non en vertu de nos mérites, dont nous ne saurions nous prévaloir, mais uniquement par l’effet de l’immense bonté de votre cœur maternel.
C’est à vous, c’est à votre Cœur immaculé, qu’en cette heure tragique de l’histoire humaine, nous nous confions et nous nous consacrons, non seulement en union avec la Sainte Église – corps mystique de Votre Fils Jésus – qui souffre et verse son sang, en proie aux tribulations en tant de lieux et de tant de manières, mais en union aussi avec le monde entier, déchiré par de farouches discordes, embrasé d’un incendie de haine et victime de ses propres iniquités.
Laissez-vous toucher par tant de ruines matérielles et morales, par tant de douleurs, tant d’angoisses de pères et de mères, de frères, d’enfants innocents, par tant de vies fauchées dans la fleur de l’âge, tant de corps déchiquetés dans l’horrible carnage, tant d’âmes torturées et agonisantes, tant d’autres en péril de se perdre éternellement.
Ô Mère de Miséricorde, obtenez-nous de Dieu la paix, et surtout les grâces qui peuvent en un instant convertir le cœur des hommes, ces grâces qui préparent, concilient, assurent la paix ! Reine de la paix, priez pour nous et donnez au monde en guerre la paix après laquelle les peuples soupirent, la paix dans la vérité, dans la justice, dans la charité du Christ. Donnez-lui la paix des armes et la paix des âmes, afin que, dans la tranquillité de l’ordre s’étende le règne de Dieu. Accordez votre protection aux infidèles et à tous ceux qui gisent encore dans les ombres de la mort ; donnez-leur la paix ; faites que se lève pour eux le soleil de la Vérité et qu’ils puissent avec nous, devant l’unique Sauveur du monde, répéter : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes de bonne volonté ! » (Luc II, 14).
Aux peuples séparés par l’erreur ou par la discorde, particulièrement à ceux qui professent pour vous une singulière dévotion et chez lesquels il n’y avait pas de maison qui n’honorât votre vénérable icône (peut-être aujourd’hui cachée et réservée pour des jours meilleurs), donnez la paix et reconduisez-les à l’unique bercail du Christ, sous l’unique vrai Pasteur.
Obtenez à la Sainte Église de Dieu une paix et une liberté complètes ; arrêtez les débordements du déluge néo-païen ; développez dans le cœur des fidèles l’amour de la pureté, la pratique de la vie chrétienne et le zèle apostolique, afin que le peuple des serviteurs de Dieu augmente en mérite et en nombre.
Enfin, de même qu’au Cœur de votre Fils Jésus furent consacrés l’Église et le genre humain tout entier, afin que, toutes les espérances étant placées en lui, Il devînt pour eux signe et gage de victoire et de salut, ainsi et pour toujours nous nous consacrons à vous, à votre Cœur Immaculé, ô notre Mère et Reine du monde, pour que votre amour et votre protection hâtent le triomphe du règne de Dieu et que toutes les nations, en paix entre elles et avec Dieu, vous proclament bienheureuse et entonnent avec vous, d’une extrémité du monde à l’autre, l’éternel Magnificat de gloire, d’amour, de reconnaissance au Cœur de Jésus en qui seul elles peuvent trouver la Vérité, la vie et la paix.